Accueil Actu

Ce couple de retraités accueille des ados délinquants: "On essaye de leur apporter le bonheur qu'ils n'ont jamais eu"

"On n'est pas là pour les juger, on est là pour les aider": depuis sept ans, Denis et Annik accueillent chez eux à Fleury-les-Aubrais (Loiret, France) des jeunes délinquants, un "engagement" vu comme la "chance d'un nouveau départ". Quand leurs enfants ont quitté le nid, ces retraités avaient "une chambre de libre" dans leur appartement près d'Orléans. Y accueillir des adolescents suivis par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) s'est presque imposé comme une évidence.

"Les ados ou les petits ados qui sont chez nous, ils ont besoin d'être aidés. On essaye de leur apporter le bonheur qu'ils n'ont jamais eu", explique Denis. Cet ancien cheminot avait "un peu peur au début de (s)'accrocher trop aux ados". "Il y en a un ou deux, ça a été dur de les voir partir", confie-t-il, la voix chargée d'émotion.

Le dispositif compte environ 500 familles d'accueil, où des mineurs de 13 à 18 ans en conflit avec la loi pour des délits ou des crimes peuvent être placés pour quelques jours ou quelques mois.

Cette mesure de placement, alternative au centre éducatif fermé (CEF) ou au foyer, vise à offrir "un cadre rassurant" pour des jeunes souvent en perte de repères et à prévenir la récidive.

"Ce n'est pas juste un hébergement", souligne Denis, campé dans son canapé. "On partage les repas, on fait quelques sorties. C'est enrichissant pour nous et on donne une chance à un nouveau départ", ajoute Annik.

Début janvier, le couple a ouvert sa maison à Michel (le prénom a été modifié), un adolescent de 17 ans au visage poupin. Il venait de quitter "un peu énervé" une autre famille d'accueil et en six mois a pris ses marques.

A peine rentré du restaurant d'application où il était en formation, il enfile ses chaussons camouflage et s'engouffre dans sa chambre. Un lit, un bureau, une penderie, peu de déco: "Je suis chez moi en étant de passage", déclare Michel. Les foyers, il connaît depuis qu'il est tout petit et ici "on vit comme une famille. C'est ça qui est bien".

Ces derniers temps, il passe de longues heures sur son téléphone enfermé dans sa chambre. Un peu "déboussolé" selon son éducateur Frédéric, il a lâché la cuisine, a envie d'armée "parce que c'est carré".

"J'espère que c'est une passade, qu'il va se remobiliser. C'est un jeune appliqué, passionné. Il lui faut un petit déclic", témoigne Yan Rideau, professeur technique au restaurant rattaché à l'unité éducative locale de la PJJ où Michel a été placé par un juge.

Marginal au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, le dispositif de familles d'accueil est aussi méconnu du grand public. La région d'Orléans est "un peu en déficit": "certains font un essai et arrêtent, les jeunes ne sont pas tous faciles", admet Frédéric, éducateur de la PJJ depuis 1982.

La protection judiciaire de la jeunesse a lancé au printemps une campagne de recrutement pour renforcer la diversité des profils recherchés.

Célibataire ou en couple, avec ou sans enfant, actifs ou retraités, ils doivent avoir un casier judiciaire vierge et une chambre privée pour l'adolescent. Les accueillants ont le statut de bénévoles et perçoivent une indemnisation journalière d'une trentaine d'euros. Le coût d'une journée dans un CEF est d'environ 660 euros par jeune.

En sept ans, Denis et Annik ont suivi "des formations, des réunions". Ils participent régulièrement à des groupes de paroles pour partager leurs expériences avec d'autres familles, sur tous les thèmes: "le vol, la fugue, le départ, les addictions", détaille l'ancienne employée de collège.

"On n'est pas seul. Et quand on a un gros souci avec un jeune, on appelle l'éducateur, on n'est pas lâché comme ça", assure Annik.

À lire aussi

Sélectionné pour vous