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Dans la forêt vosgienne, de jeunes comédiens donnent vie au texte de Nicolas Mathieu, Goncourt 2018

Sur les planches du Théâtre du Peuple de Bussang (Vosges), de jeunes comédiens fraîchement diplômés après des études chamboulées par la pandémie de Covid-19, donnent voix et corps au roman de Nicolas Mathieu, "Leurs enfants après eux", prix Goncourt 2018.

Pendant trois heures, les 13 acteurs et actrices incarnent à tour de rôle les multiples personnages du roman fleuve de plus de 400 pages, récit distancié de la jeunesse de son auteur à Heillange, une ville fictive de Lorraine qui rappelle Hayange, durement touchée par la désindustrialisation.

L'histoire suit une bande d'adolescents sur quatre étés, dans les années 1990: tous veulent "foutre le camp", leur rêve, mais sont condamnés à revivre la vie étriquée et cabossée de leurs parents.

Pour le metteur en scène Simon Delétang, le texte est non seulement l'"un des plus grands récits contemporains" mais aussi une affaire locale, "écrit par quelqu'un qui est né à Epinal, qui est d'ici".

Chaque comédien joue des passages du livre conservé "dans son intégrité". "Je n'ai pas changé une seule virgule, un seul mot. Simplement, c'est un travail de collage, un montage du texte, comme au cinéma", explique Simon Delétang.

La pièce s'ouvre sur "Smell Like Teen Spirit" de Nirvana, morceau emblématique de l'adolescence qui fête ses 30 ans cette année. Les jeunes du roman de Nicolas Mathieu l'écoutaient dans leurs soirées de l'été 1992.

Puis, au dernier acte, le Théâtre du Peuple révèle sa singularité : le fond de scène s'ouvre sur la forêt des Vosges et les artistes jouent avec cet écrin de verdure.

"J'espère que cette première expérience dans ce lieu mythique marquera leur carrière", souligne le metteur en scène. Car au-delà du 4 septembre, date de la dernière représentation, ce sera pour eux un "saut dans le vide".

- Une réponse "politique" -

A peine diplômés de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT) de Lyon, après trois ans d'une formation bouleversée par le Covid-19, ils feront leur entrée dans le monde professionnel.

Parrain de leur promotion, Simon Delétang a voulu "apporter une réponse presque politique" aux difficultés qu'ils ont rencontrées en leur mettant le pied à l'étrier.

"Ils ont eu une scolarité terrible: on s'est bagarré pour les salarier ici, qu'ils aient au moins ce petit coussin de sortie", explique-t-il.

Ce premier emploi leur permet d'accumuler leurs premiers cachets avec, en perspective, le filet de sécurité du statut d'intermittents du spectacle.

"C'est une sortie d'école vraiment exceptionnelle", se réjouit l'une des actrices, Kainana Ramadani, 23 ans. Mais l'inquiétude pointe déjà dans la troupe après des mois de fermeture des lieux culturels qui ont mis à genoux l'économie de tout le secteur.

"A peu près toutes les programmations des théâtres sont reportées de deux ans", regrette Héloïse Cholley, comédienne de 24 ans. "Les théâtres vont à peine rouvrir, ils ne vont pas réengager, personne ne va nous employer et ça fait vachement peur".

Le public semble beaucoup moins s'inquiéter pour leur avenir. Le spectacle est "une réussite: on a envie de les embaucher tous", s'enthousiasme Joëlle Bartelmann, 68 ans, ancienne directrice de maisons des jeunes et de la culture.

A côté d'elle, Claudine Miesch, 62 ans, également directrice de MJC à la retraite, a "adoré" et évoque "une performance incroyable de la part de ces jeunes".

Le livre de Nicolas Mathieu, "Leurs enfants après eux" (Actes Sud), a obtenu le prix Goncourt en 2018. Le deuxième roman de l'auteur vosgien s'est écoulé à plus de 530.000 exemplaires et a été traduit en 20 langues.

(La pièce se joue du jeudi au dimanche à 15H00, jusqu'au 4 septembre. Durée du spectacle: 3H15, avec un entracte de 30 minutes. Prix du billet: entre 25 et 8 euros selon le tarif et le placement).

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