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Un "village Alzheimer", inédit en Europe, sort de terre avec un premier coup de pioche le 4 juin à Dax (Landes), pour héberger 120 malades et où seront expérimentées des thérapies alternatives contre cette pathologie incurable du vieillissement.
L'ex-ministre socialiste Henri Emmanuelli n'aura pas vu la concrétisation d'un projet que lui avait inspiré en 2013 le modèle néerlandais de Weesp, près d'Amsterdam, et qu'il a impulsé à la tête du conseil départemental des Landes jusqu'à sa mort en 2017.
Comme à Weesp, tout sera mis en oeuvre au "village" de Dax, qui ouvrira ses portes fin 2019 en pleine ville, "pour maintenir la participation des résidents à la vie sociale", explique à l'AFP le Pr Jean-François Dartigues, neurologue et épidémiologiste au CHU Pellegrin à Bordeaux.
Mais à Dax, on aura un atout supplémentaire sur le modèle néerlandais. Le "village intègre un pôle Recherche qui mènera une étude comparative avec les établissements traditionnels, de l'impact de nouvelles approches thérapeutiques sur les malades, les aidants et les soignants", précise ce spécialiste d'Alzheimer, pilote du volet Recherche.
"A Weesp, poursuit-il, ces pratiques semblent marcher mais ce n'est pas démontré. A Dax, on veut évaluer leur exemplarité. Et si ça marche, il n'y a pas de raison de ne pas les répliquer". Car aujourd'hui, Alzheimer et les démences apparentées touchent environ un million de malades en France avec une progression alarmante de 100.000 à 150.000 nouveaux cas par an, précise-t-il.
- Moins de psychotropes -
Les jeunes chercheurs cohabiteront au "village" avec 120 malades résidents, eux-mêmes accompagnés par une centaine de soignants et autant de bénévoles individuels ou associatifs. Entre autres initiatives originales, le "village" accueillera des "chiens visiteurs", dressés pour aider les résidents à sortir de l'isolement psychique où les a plongé la maladie.
L'objectif? Mesurer l'impact de ces nouveaux modes de prise en charge moins médicamenteuse sur la qualité de vie du patient. Et ce, dans un environnement sans blouse blanche visible, où le patient peut renouer avec les rituels d'une vie presque ordinaire, à son rythme, à la mesure de ses capacités, et sans pression extérieure.
Chez un patient privé de ses repères temporels et spatiaux, "les troubles du comportement sont certes directement liés à la maladie, mais aussi sans doute aux contraintes extérieures qui le privent de sa liberté", selon le Pr Dartigues. L'hypothèse de travail privilégiée ici tient en une formule toute simple: "moins de contraintes extérieures, donc moins de troubles du comportement, et donc moins de psychotropes", résume-t-il.
- Pas de clôture visible -
Les architectes du village landais ont parfaitement intégré dans sa conception la double exigence thérapeutique: maintien du lien social et souplesse dans l'accompagnement du malade.
"Pas de clôture visible, une fluidité de la circulation grâce à de nombreuses voies de cheminement sécurisées, dans un grand espace végétalisé de 7 hectares, bien intégré à la vie sociale et culturelle de la ville", souligne l'architecte Nathalie Grégoire.
"Pas non plus d'architecture contemporaine", afin de maintenir l'ancrage dans la culture locale et assurer en douceur la transition entre domicile et "village".
Les initiateurs du projet, porté depuis l'origine par le Conseil départemental et l'Agence régionale de Santé (ARS), souhaitaient "un coeur de village traditionnel", conçu comme une bastide typique de la région et un lieu de convivialité.
"C'est donc une place carrée cernée d'arcades abritant tous les services: brasserie, salons de beauté et de coiffure, auditorium, bibliothèque-médiathèque et supérette", résume l'architecte.
Bref, un environnement recréant la vie du troisième âge dans le Sud-Ouest: le marché et la mise en plis du samedi matin, la belote en terrasse ou la pétanque à l'ombre des platanes.
Quatre "quartiers d'habitations" gérés par des "gouvernantes" hébergeront les patients regroupés par "affinités culturelles". Une dizaine de studios permettront d'accueillir les familles ou chercheurs de passage.
Le tout pour un investissement de 28 millions d'euros, un budget de fonctionnement annuel de près de 7 millions, et un prix journée de 60 euros, équivalent à celui d'un Ehpad traditionnel.