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Le chef du gouvernement conservateur espagnol Mariano Rajoy, affaibli par la condamnation de son parti dans un procès pour corruption, était en passe d'être renversé vendredi par une motion de censure qui doit porter le socialiste Pedro Sanchez au pouvoir.
Sauf défection de dernière minute, le vote décisif annoncé jeudi des cinq députés du Parti nationaliste basque (PNV) donnera au numéro un du PSOE la majorité absolue de 176 sièges nécessaire pour déposer M. Rajoy et s'asseoir dans son fauteuil au Palais de la Moncloa.
Ce qui tournera une page de l'histoire politique espagnole, M. Rajoy, 63 ans, étant au pouvoir depuis décembre 2011. Élu pour la première fois en 1981 dans sa Galice natale, plusieurs fois ministre et dauphin désigné de Jose Maria Aznar, il a survécu depuis à plusieurs crises majeures.
De la récession, face à laquelle il a imposé une sévère cure d'austérité, aux mois de blocage politique en 2016, où il est parvenu à se maintenir au pouvoir, jusqu'à la tentative de sécession de la Catalogne à l'automne dernier.
Mais la sentence jeudi dernier du méga-procès pour corruption "Gürtel" aura été l'affaire de trop pour M. Rajoy et le Parti Populaire (PP), empêtré dans plusieurs scandales.
Et surtout le déclencheur de la motion de censure déposée par le PSOE, qui avec seulement 84 députés, a dû rassembler autour du nom de M. Sanchez une majorité hétéroclite composée de la gauche radicale de Podemos, des indépendantistes catalans et des nationalistes basques.
- "Epitaphe" de Rajoy -
Alors que les analystes politiques donnaient en début de semaine très peu de chances à cette motion, le vent a tourné en quelques jours à Madrid.
"Votre isolement, Monsieur Rajoy, constitue l'épitaphe d'une période politique, la vôtre, qui est déjà finie", lui avait lancé jeudi M. Sanchez, ancien professeur d'économie de 46 ans surnommé le "beau mec" en Espagne.
"La fête est finie", a déclaré de son côté Joan Baldoví le représentant du petit parti Compromís, allié de Podemos.
Afin de convaincre le PNV, M. Sanchez a assuré qu'il ne toucherait pas au budget voté la semaine dernière prévoyant des largesses financières pour le Pays basque.
A l'adresse des séparatistes catalans, il a annoncé par ailleurs qu'il essaierait de "jeter des ponts" avec le gouvernement régional à Barcelone. "Au sein de la nation espagnole, il y a des territoires qui eux aussi se sentent nations", a-t-il déclaré. "Nous pouvons coexister dans le cadre de la Constitution".
La grande question qui se pose désormais est de savoir combien de temps M. Sanchez, qui a promis d'appeler à des élections anticipées, pourra gouverner avec une majorité qui s'annonce instable.
Il compte dans un premier temps faire adopter un train de mesures sociales, ce qui pourrait renforcer la popularité de sa formation, très affaiblie ces dernières années.
- Débats agressifs -
Les débats au parlement ont été d'entrée très agressifs. M. Rajoy a accusé les socialistes de mentir en exagérant la portée de la sentence du procès pour corruption "Gürtel" qui a précipité le dépôt de la motion de censure vendredi dernier.
Mais selon les juges, le Parti populaire (PP) a bien bénéficié de fonds obtenus par des maires PP dans le cadre d'un "système de corruption institutionnel" via la "manipulation de marchés publics". Ils l'ont condamné à rembourser 250.000 euros.
La justice a conclu en outre à l'existence d'une "caisse noire" au sein du PP et mis en doute la crédibilité de M. Rajoy qui avait nié l'existence de cette comptabilité parallèle devant le tribunal.
La question, a lancé M. Sanchez, est de savoir si "cette démocratie peut se permettre le luxe d'être enchaînée encore deux ans de plus à la corruption du PP", jusqu'aux prochaines élections prévues normalement en 2020.
Tous les alliés de M. Sanchez ont en commun leur refus d'élections immédiates, réclamées par le parti libéral Ciudadanos (32 députés), en tête dans les sondages.
Fervent opposant aux privilèges du Pays basque et à l'indépendance de la Catalogne, il a lâché M. Rajoy dont il était l'allié, mais a refusé d'appuyer le PSOE. "M. Rajoy a une dernière opportunité d'arrêter cette motion de censure: présenter sa démission pour convoquer des élections", a dit son chef Albert Rivera.
Une solution que M. Rajoy a jusqu'ici exclu.