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Faillite des centres dentaires du Brabant wallon: Linda et Valérie, assistantes dentaires, évoquent "un sentiment de GÂCHIS"

La faillite des centres dentaires du Brabant wallon est actée. Elle a été déclarée par le tribunal de l’entreprise le lundi 11 janvier. Un curateur a été désigné afin de rencontrer les responsables de l'ASBL Santé et Participation, qui gère les 7 cabinets (à Nivelles, Tubize, Braine-l’Alleud, Louvain-la-Neuve, Jodoigne, Perwez et Wavre).

Linda et Valérie font partie des 21 employés qui perdent leur emploi. Ce sont pour la plupart des assistants dentaires qui se retrouvent soudainement sans travail. S'ajoutent les dentistes, indépendants, mais certains travaillaient à temps plein dans les cabinets.

Pour les deux femmes, c'est le choc… "Nous vivons très mal cette situation, nous sommes en colère", explique Valérie, 50 ans, qui officiait dans ces cabinets dentaires depuis 25 ans, d'abord en tant qu'assistante dentaire et puis en tant que responsable des achats de produits. Pour Linda, 43 ans, un sentiment de "rancœur" prédomine. Elle est assistante dentaire aux cabinets de Nivelles et Braine-L'Alleud depuis 15 ans.

Elles s'accordent toutes les deux à dire que l'esprit "familial" qui régnait dans les cabinets va beaucoup leur manquer. "On ne retravaillera plus jamais ensemble alors qu'on avait une team super chouette", confie Valérie.

"Des patients, il y en avait !"

La cause invoquée par la direction de l'ASBL pour justifier cette faillite est le coronavirus, mais les assistantes dentaires pensent que le problème existe depuis plus longtemps que ça.

"Ça fait 15 ans qu'on nous dit que l'ASBL va mal et qu'on va mettre la clé sous le paillasson. Je pense que le Covid a bon dos, lance Linda. On dit que les consultations n'étaient pas complètes, mais ça tournait".

Les cabinets dentaires ont dû fermer leurs portes lors du premier confinement, en mars dernier. Les activités ont repris progressivement vers les mois de mai et juin. Et depuis août, ils tournaient tout à fait normalement estime l'assistante de 43 ans.

"Des patients, il y en avait ! Mes deux dernières consultations étaient complètes", ajoute-t-elle. "Moi le mercredi soir, je ne savais plus comment je m'appelais".

Si, à la reprise, les centres accueillaient un patient toutes les 45 minutes afin de tout désinfecter entre chaque rendez-vous, rapidement, des automatismes ont été pris et les choses sont mises en place pour recevoir un patient toutes les 20 minutes, comme en temps normal.

Pour l'administrateur de l'ASBL Santé et Participation, Jean-François Fortemps, "les chiffres parlent d'eux-mêmes : il y a eu 35.000 prestations facturées en 2018, 33.000 en 2019 et moins de 20.000 en 2020".

Il nous assure que la fermeture des cabinets en mars a donné le coup de grâce aux finances de l'ASBL et que la reprise des activités n'a pas suffi à maintenir les comptes dans le vert. De nombreux patients continuent à reporter les soins dentaires tant que la crise sanitaire n'est pas derrière nous, assure-t-il.

"On pensait qu'on allait s'en sortir"

Jean-François Fortemps, administrateur de l'ASBL, confirme que la situation de l'ASBL "a toujours été fragile". Mais ces dernières années, l'heure était plutôt à l'optimisme. "Fin 2018, les administrateurs précédents ont retravaillé sur certains aspects qui posaient problème. Notamment l'augmentation du taux de présence des prestataires pour rendre l'asbl plus rentable", explique-t-il. "Et cela commençait à porter ses fruits".

Fin 2019, les comptes étaient même dans le vert avec 30.000 euros de boni. L'ASBL pouvait également compter sur le soutien d'un partenaire : la Mutualité Chrétienne. Elle est propriétaire de certains locaux où sont installés les cabinets et les subsidie chaque année. Lorsque la crise du coronavirus est survenue, c'est la Mutualité qui a prêté de l'argent à l'ASBL Santé et Participation.

"Le Covid a provoqué un grave déséquilibre avec des charges qui sont importantes et les patients qui ne sont plus là. On nous a prêté une somme considérable, en mars, et on pensait qu'on allait s'en sortir", explique encore l'administrateur.

Il dit comprendre "la frustration et la colère" du personnel : "Sans le Covid, on en serait pas là, et la MC aurait pu nous continuer à nous soutenir. Ils sont allés au bout de ce qu'ils pouvaient faire", assure-t-il.

L'effet de surprise

Cette annonce de faillite a été un choc pour les assistantes dentaires qui avaient l'impression que les choses tournaient bien ces derniers temps, et ce malgré le coronavirus. "On a eu notre prime de fin d'année et une augmentation des chèques repas", explique Linda, qui se sentait en confiance jusqu'à l'annonce, survenue brusquement. "On m'a téléphoné un soir pour me dire que ce n'était pas la peine que je vienne travailler le lendemain", explique-t-elle.

Mais si les clients étaient au rendez-vous, comment expliquer cette faillite ? Pour la représentante syndicale, c'est la gestion des années passées qui est en cause.

"Il aurait fallu mieux gérer les années passées, ça a fait boule de neige, déplore Valérie. Notre directrice a essayé de mettre des choses en place. C'est vrai que le corona est arrivé à un mauvais moment car juste avant son arrivée, il y a eu une mauvaise gestion, des mauvais choix".  

Un reprise, mais à quelles conditions ?

La désignation d'un curateur n'est pas spécialement vue comme une bonne nouvelle par les assistantes dentaires qui craignent que les centres soient repris par un groupe privé.

"On sait qu'il y a du monde qui attend cette faillite pour reprendre. Les soins dentaires intéressent les grands groupes privés. Mais une reprise à quelles conditions ?", s'interroge Valérie.

Nos patients, on les connait depuis des années, c'est familial, et les grands groupes n'auront pas les mêmes ambitions.

Et puis, il y a le but social poursuivi de nombreuses années par les cabinets dentaires, que la Brainoise craint de voir disparaitre. "Jusqu'ici, les centres étaient gérés par une ASBL avec un but social. On était beaucoup en contact avec les CPAS, Fedasil, on était là pour les patients qui n'ont pas beaucoup de revenus. Nos patients, on les connait depuis des années, c'est familial, et les grands groupes n'auront pas les mêmes ambitions".  

"Un sentiment de gâchis"

Pour l'instant, Valérie ne parvient pas à voir l'avenir de manière optimiste. "C'est encore trop tôt et là je suis en colère. C'est inhumain cette situation, en plus avec le corona, les gestes barrières…", note la cinquantenaire qui aimerait tant pouvoir serrer ses collègues dans ses bras. "Le personnel était très lié, c'est un sentiment de gâchis : on aurait pu faire autre chose", conclut-elle avec émotion.  

Linda se montre un peu plus optimiste. Elle était occupée à mettre son curriculum vitae à jour au moment où nous l'avons contactée. Elle espère retrouver un emploi dans le même secteur : "On essaye, on n'a pas le choix", dit-elle enfin.

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