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Grégory se fait embaucher à Charleroi par la "méga-star" des escrocs: il découvre qui il est sur Google

L'histoire de Grégory, un habitant de la périphérie bruxelloise, pourrait être celle d'un banal litige entre un employé et son employeur si ce dernier n'était pas la star de l'escroquerie des 20 dernières années.

A 39 ans, Grégory est spécialisé dans le développement web. En d'autres termes, la création de sites internet n'a pas de secret pour lui. Cet habitant de Drogenbos en périphérie bruxelloise est à la recherche d'un emploi quand, en juin dernier, il est contacté par un employeur. L'homme au bout du fil lui demande s'il est disponible pour un poste à Charleroi et lui propose un CDI à 2.100 euros brut. La mission de Grégory: développer des sites web pour des entreprises locales.

Aussitôt engagé

Le projet à l'air solide et la personne au bout du fil se montre convaincante. "Avec son franc-parler, il m'a donné confiance et j'ai signé mon CDI qui a débuté le 1er juillet 2020", raconte Grégory qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. L'entreprise qui l'embauche se nomme HERCOS group et est basée à Charleroi. L'homme qui se présente comme le patron s'appelle Stéphane Coszack...

"J'ai fait sept ans de prison..."

Un événement vient bousculer le cours des choses. Grégory travaille depuis à peine trois jours. Alors qu'il se trouve dans les bureaux de l'entreprise à Charleroi, des officiers de police en uniforme débarquent soudainement pour des vérifications liées à un changement d'adresse. Les officiers de police échangent avec le patron. Grégory tend son oreille, quand son nouveau patron prononce la phrase suivante: "Oui, je suis sous bracelet électronique comme vous le savez, j'ai fait 7 ans de prison."  Grégory est choqué et n'en croit pas ses oreilles. Il s'interroge: pourquoi son employeur a-t-il fait de la prison? Pourquoi est-il sous bracelet ? Alors le soir même, une fois chez lui il tape le nom de son patron dans Google: Stéphane Coszack. Le sol se dérobe sous ses pieds.

Stéphane Coszack est l'un des escrocs les plus réputés du pays. En 2005 déjà, Stéphane Coszack était surnommé par la presse la "méga-star des tribunaux." Et depuis, l'homme ne s'est jamais arrêté. Retour sur son parcours judiciaire: 

  • Avant 2003: Stéphane Coszack n'a pas encore 25 ans qu'il est déjà condamné à trois reprises par le tribunal correctionnel de Courtrai, dont une peine de 2 ans de prison ferme, pour des faits liés à des escroqueries et autre délinquance financière.
  • 2003 : Par le biais de deux entreprises, Stéphane Coszack achète du matériel informatique. Soit il paie avec des chèques sans provision, soit il n'assure pas les mensualités. Le matériel est ensuite revendu à bref délai. Il ne rembourse pas ses fournisseurs. Le montant total de ces arnaques s'élève à quelque 85.000 euros. Condamné.
  • 2004 : On retrouve Stéphane Coszack à Bruxelles. Dani Lary, un célèbre magicien qui passe régulièrement dans l'émission de Patrick Sébastien "Le plus grand cabaret du monde", doit donner des spectacles à Bruxelles. 400 personnes réservent leurs places (entre 30 et 40 euros le ticket). Seul problème, le magicien n'est au courant de rien. C'est une arnaque mis en place par Stéphane Coszack qui a organisé une fausse campagne d'affichage dans la capitale. Il sera condamné.
  • 2012 - 2013: Une entreprise d'impression de 'flyers' engage à tour de bras des personnes un peu partout en Wallonie. Les offres d'emploi sont même validées par le FOREM. La société s'appelle Coszack S. Group. Problème, de très nombreux employés ne perçoivent jamais leur salaire et tous disent qu'un certain Stéphane Coszack était présent au moment de la signature du contrat.
  • 2016: Stéphane Coszack lance à Charleroi la discothèque Pink Diamond. Quatre employés portent plainte car disent n'avoir jamais perçu de salaire
  • Novembre 2017 : Stéphane Coszack est condamné à trois ans d’emprisonnement ferme et à indemniser six personnes ayant travaillé pour lui ou ses sociétés. Stéphane Coszack a fait appel de sa condamnation. Sa peine a été réduite.
  • 2019 : Stéphane Coszack est condamné au tribunal correctionnel de Liège pour faux et usage de faux, escroquerie et port public de faux nom. Alors propriétaire d'un café à Liège, il escroque de nombreuses personnes via la Smart, un mécanisme d'aide aux artistes. Il perçoit 128.000 euros en ouvrant 16 comptes en banque via une société basée au Royaume-Uni, selon SudPresse. Il écope de deux ans de prison ferme et 3.000 euros d’amende, assortis d’une interdiction de commercialité d’une durée de 10 ans. Il a été placé sous bracelet électronique et évitera la case prison.

Le doute s'installe

Quand Grégory découvre ce parcours judiciaire à travers différentes coupures de presse il tombe des nues. Il est en poste depuis 3 jours à peine et son nouveau patron ne lui inspire guère plus confiance. Sera-t-il la prochaine victime ? "J'ai pris direct contact avec mon syndicat et l'inspection des lois sociales car je n'avais plus confiance. J'ai quand même décidé de travailler le premier mois pour voir s'il allait payer mon salaire. J'ai travaillé un mois complet", raconte Grégory.

Un premier salaire et déjà des soucis

Lorsque le premier salaire doit tomber début août, Grégory perçoit 750 euros au lieu des 1.600 prévus. Interrogé, Stéphane Coszack lui aurait fait savoir qu'il s'agissait juste d'un acompte car des problèmes administratifs l'empêcherait de payer l'entièreté du salaire. Grégory préfère tout de suite en rester là. Dès le premier salaire, des soucis apparaissent et après tout ce qu'il a appris, il préfère ne pas prendre de risques. Le 13 août, Grégory porte plainte auprès du contrôles des lois sociales (CLS) et envoie quelques jours plus tard une lettre recommandée sollicitant son salaire. En réponse à sa demande, Grégory reçoit une lettre de licenciement: "Il y a eu zéro explication, aucune raison de me licencier", indique Grégory estimant avoir simplement réclamé son dû.

Je serai beaucoup plus attentif

Depuis, Grégoy dit avoir relancé Stéphane Coszack a plusieurs reprises mais en vain. Il s'interroge: "Comment une telle personne récidiviste peut encore créer des sociétés et tronquer la justice sans être lourdement condamné ?" D'autant plus que lors des deux dernières condamnations de Stéphane Coszack, l'homme a été frappé d'une interdiction de commercialité, dont une de 10 ans pour la dernière en date (2019). Et par deux fois, l'escroc est parvenu à exercer de nouvelles activités commerciales.

Alors une question se pose: quel mécanisme dans notre pays permet de vérifier la condamnation d'une personne pour l’empêcher de créer une nouvelle entreprise ? Globalement: aucun

Pas de registre existant

L’inscription des entreprises, dans la Banque-Carrefour des Entreprises (BCE), est effectuée principalement par les guichets d’entreprises et les greffes des tribunaux de l’entreprise. Il n’existe, à ce jour, pas de registre électronique des interdictions professionnelles et/ou des interdictions d’exercice auquel les guichets d’entreprises ou les greffes pourraient avoir accès dans le cadre de leur mission d’inscription à la BCE, informe le SPF Economie. Etienne Mignolet, porte-parole du SPF ajoute : "Dès lors que ce registre sera mis sur pied, le service de gestion de la BCE analysera bien entendu la possibilité de la création d’un lien de la BCE vers ledit registre."

Un projet de loi en 2016

En résumé, si quelqu'un est condamné et interdit de commerce, comme pour Stéphane Coszack, il n'y a pas de registre général qui puisse être consulté par les intermédiaires liés au processus de création d'une entreprise. Les interdictions professionnelles ne font l’objet que d’une publication partielle au Moniteur belge. Un signalement est également fait à la police qui l'encode dans la Banque de données nationale générale. La police vérifie dans la BCE si la personne condamnée à d’autres mandats. Mais rien n'empêche le condamné de recréer une entreprise quelques mois après sa condamnation. Un vide juridique dans lequel se serait engouffré Stéphane Coszack.

En 2016 pourtant, une proposition de loi visant la création d'un registre public des interdictions professionnelles avait été déposée. Le projet n'a jamais abouti. Le débat ayant soulevé d'autres questions, notamment lié à la vie privée. (Consulter la proposition de loi > ici)

Impossible de vérifier de manière concluante

Il existe en Belgique 8 guichets d'entreprises agrées par les autorités. On compte parmi eux Acerta, Securex mais aussi Liantis. Karel Van den Eynde est expert pour Liantis. Il reconnait l'impuissance des guichets d'entreprises face à cette problématique : "Tout au plus pourrait-on vérifier à chaque fois si une interdiction a été publiée au Moniteur belge. Mais ce n'est pas toujours le cas. En pratique, en l'absence de registre, il n'est donc pas possible de le vérifier de manière concluante. Après tout, nous dépendons de la coopération de la personne en question, elle doit (vouloir) nous fournir les informations correctes."

Un guichet d’entreprise ne peut donc pas suffisamment vérifier pour tout indépendant souhaitant adhérer si une telle interdiction est en vigueur. "Cela serait possible si ces informations étaient disponibles de manière centralisée, par exemple via un lien (automatique) avec le registre national", ajoute Karel Van den Eynde qui soulève lui aussi la question de la vie privée.

Enquête en cours

Renseignement pris par notre rédaction, une enquête est en cours visant Stéphane Coszack au Contrôle des lois Sociales et plusieurs plaintes ont été déposées à l'auditorat du travail du Hainaut, division Charleroi. Il est reproché à Stéphane Coszack des défauts de payement de rémunération et des obstacles à la surveillance. L'enquête est toujours en cours au Contrôle des lois Sociales. En octobre 2019, le Parquet de Liège dit avoir été informé des nouvelles activités commerciales de Stéphane Coszack en violation de son interdiction de commercialité.

Un signalement a été fait au Parquet de Charleroi. Des mois après ce signalement auprès des autorités judiciaires, Stéphane Coszack a quand même pu engager Grégory et d'autres personnes en toute impunité.

En attendant Grégory dit être en contact avec d'autres victimes prétendues de Stéphane Coszack et attend que la justice fasse son travail: "Je suis quelqu'un d'assez battant, je ne m'arrête pas à cela. Je continue mes démarches pour devenir indépendant. Je cherche aussi un CDI en attendant, mais je serai beaucoup plus attentif sur la société qui m'engage à l'avenir."

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