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Le président italien Sergio Mattarella reçoit à 11H30 (09H30 GMT) Carlo Cottarelli, incarnation de l'austérité budgétaire, pour le charger vraisemblablement de diriger le pays vers de nouvelles élections, après avoir mis son veto dimanche à un gouvernement populiste sans garantie de maintien dans l'euro.
Après avoir salué ce veto à l'ouverture des échanges avec un rebond de près de 2%, la Bourse de Milan repartait à la baisse en fin de matinée tandis que le spread, l'écart entre les taux d'emprunt à dix ans allemand et italien, remontait de nouveau également.
"Même si le risque immédiat d'avoir un ministre des Finances eurosceptique a été au moins reporté, les incertitudes italiennes vont continuer à peser lourdement sur l'humeur (des investisseurs) en Italie et --d'une manière moins forte-- sur ses voisins de l'eurozone dans les prochains mois", a estimé Holger Schmieding, économiste en chef chez Berenberg.
Exit donc Giuseppe Conte, ce juriste novice en politique que les chefs du Mouvement 5 Étoiles (M5S, antisystème) Luigi Di Maio et de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini, majoritaires au Parlement, avaient proposé pour diriger un gouvernement anti-austérité et sécuritaire pour la troisième économie de la zone euro.
M. Mattarella a refusé de nommer le ministre des Finances sur lequel les deux alliés refusaient de leur côté de transiger: Paolo Savona, 81 ans, un économiste d'expérience, défenseur d'un "plan B" pour sortir de l'euro, qualifié de "prison allemande".
La fermeté du président a aussitôt déchaîné la colère des populistes. "Disons-le clairement qu'il est inutile d'aller voter, puisque les gouvernements ce sont les agences de notation, les lobbies financiers et bancaires qui les font. Toujours les mêmes", s'est insurgé M. Di Maio, en réclamant la mise en accusation du chef de l'Etat.
"L'Italie n'est pas un pays libre, c'est un pays occupé financièrement, pas militairement, par les Allemands, par les Français et par les bureaucrates de Bruxelles", a rugi M. Salvini.
Le président a pourtant tenté de s'expliquer devant la presse: "La désignation du ministre de l’Économie constitue toujours un message immédiat de confiance ou d'alarme pour les opérateurs économiques et financiers".
Et c'est dans la perspective de cette réouverture des marchés financiers lundi que M. Mattarella a annoncé dès dimanche soir la convocation de Carlo Cottarelli, un économiste de 64 ans, ancien haut responsable du Fonds monétaire international (FMI) surnommé "M. Ciseaux" pour son rôle dans la réduction des dépenses publiques en 2013-2014 sous les gouvernements de centre gauche.
Actuel directeur de l'Observatoire des comptes publics, il devrait être chargé de former un gouvernement technique.
A Bruxelles, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, a salué la démarche: "Il faut privilégier la mise en place d'un gouvernement stable, un gouvernement avec lequel l'UE puisse travailler efficacement".
Mais un éventuel gouvernement Cottarelli semble n'avoir aucune chance d'obtenir la confiance du Parlement tant le M5S et la Ligue sont vent debout contre lui.
M. Salvini a dénoncé "un Monsieur Personne qui représente la finance internationale", et M. Di Maio "un de ces experts donneurs de leçons qui nous ont accablés en taillant dans la santé, l'éducation, l'agriculture..."
L'unique mission de M. Cottarelli devrait donc être de mener le pays à de nouvelles élections, dans un climat qui s'annonce électrique.
"Après ce soir, il est vraiment difficile de croire dans les lois et les institutions de l'Etat", a fait valoir M. Di Maio, dont le parti avait obtenu plus de 32% des voix lors des législatives de mars. "D'accord, retournons aux urnes. Mais si j'obtiens 40% et que je reviens au Quirinal avec Savona, cela changera quelque chose?".
Très amer, il a annoncé sa volonté de réclamer devant le Parlement la destitution de M. Mattarella, ce que la Constitution ne permet cependant de ne faire qu'en cas de "haute trahison" ou "atteinte à la Constitution".
Lundi matin, les commentaires dans la presse italienne rappelaient que la nomination des ministres relevait effectivement du président et de lui seul. Beaucoup saluaient sa fermeté, tandis que Il Fatto Quotidiano (gauche) titrait: "Le roi Sergio fait tout sauter".
M. Salvini s'est pour sa part résolument tourné vers les prochaines élections: "Voter servira dix fois plus la prochaine fois. Ce sera un référendum: on gagne ou on meurt".
Intervenant lundi matin sur une radio italienne, le chef de la Ligue a précisé qu'il entendait relancer immédiatement le débat au Parlement sur la réforme électorale, afin de permettre que le prochain scrutin puisse déboucher sur une majorité claire.
Le chef de la Ligue est en pleine ascension: après avoir obtenu 17% aux dernières législatives, il est actuellement autour de 25% d'intentions de vote dans les sondages. Mais pour remporter les élections, il devra renouer avec ses alliés de droite, qui ont vivement critiqué le résultat de ses négociations avec le M5S.
Or, Silvio Berlusconi, tout comme le Parti démocrate (centre gauche), se sont rangés du côté de M. Mattarella dimanche soir. "Si Berlusconi vote la confiance à Cottarelli, l'alliance est rompue", a prévenu M. Salvini lundi matin.