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En érigeant en 2002 la sécurité routière en priorité nationale, avec notamment l'installation des impopulaires radars automatiques, Jacques Chirac a été pour beaucoup d'associations un "visionnaire" courageux et un "révolutionnaire" opiniâtre qui a permis de faire chuter le nombre de tués.
Avant sa réélection, 7.720 personnes avaient trouvé la mort sur les routes (fin 2001). A l'issue de son second mandat, il n'étaient plus que 4.620 (fin 2007), soit une baisse de 40%.
"Le bilan de ce quinquennat est exceptionnel. Jamais il n'y a eu une baisse aussi marquée de la mortalité sur une période aussi courte", souligne à l'AFP le procureur de Paris, Rémy Heitz, conseiller du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin en 2002, puis délégué interministériel à la sécurité routière (2003-2006): "Son action a épargné, et épargne encore, des dizaines de milliers de vies".
"On évoque son côté visionnaire sur la guerre en Irak, son discours de Johannesburg mais Jacques Chirac a été aussi un visionnaire sur la sécurité routière. Qui peut se targuer d'avoir sauvé autant de vies ?", lance la présidente de la Ligue contre la violence routière, Chantal Perrichon.
"Il a été un révolutionnaire. Il a totalement secoué l'ordre établi", estime Vincent Julé-Parade, militant associatif de sécurité routière dans les années 2000, aujourd'hui avocat.
Cette "révolution" a été lancée le 14 juillet 2002.
Dans son allocution, Jacques Chirac annonce "trois grands chantiers" pour son quinquennat, dont "la lutte contre l'insécurité routière". Le président se dit "absolument horrifié par le fait que les routes françaises sont les plus dangereuses d'Europe."
L'annonce prend tout le monde par surprise. Chirac n'était-il pas celui qui dénonçait en 1981 "la fureur avec laquelle on traque l'automobiliste au lieu de traquer les gangsters" ?
"Il avait reçu les associations durant sa campagne mais n'avait pas réellement montré d'intérêt sur ce sujet durant son premier septennat. Le 14 juillet, je suis devant ma télé et j'hallucine, dans le bon sens du terme", raconte Vincent Julé-Parade.
- "La fin des indulgences" -
L'histoire retiendra le "contrôle sanction automatisé", les radars automatiques, dont le premier fut inauguré le 27 octobre 2003 à La Ville-du Bois (Essonne). "Mais c'est l'arbre qui cache une forêt de mesures", affirme Rémy Heitz.
"Le première pierre de ce chantier a été une mesure forte: l'exclusion des infractions routières de l'amnistie présidentielle", souligne-t-il.
En décembre 2002, une circulaire du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy demande également "que toutes les infractions relevées fassent l'objet de procédures".
"C'était la fin des indulgences. A l'époque, 50% des PV n'étaient pas payés", rappelle Chantal Perrichon.
Entre 2002 et 2003, les résultats sont spectaculaires: le nombre de morts chute de 20% (de 7.242 à 5.731).
La dizaine de comités interministériels de sécurité routière qui jalonneront le quinquennat accoucheront de nombreuses mesures sur le permis probatoire, l'alcoolémie, la ceinture de sécurité à l'arrière...
"Il a toujours maintenu un cap extrêmement fort. Lorsqu'il y avait une tentation de relâchement, un essoufflement, à chaque fois le président rappelait en début de conseil des ministres son attachement au sujet", raconte Rémy Heitz.
"Jacques Chirac a pris cette position et surtout, il l'a assumée. Combien d'hommes politiques ont affiché leur volontarisme et, dès que ça a chauffé pour leurs fesses, ont fait volte-face ?", relève Vincent Julé-Parade.
Alors que l'exécutif actuel recule sur l'abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h, tous louent la "constance" et le "courage politique" de Chirac.
Les raisons de cet engagement restent toutefois mystérieuses. Le douloureux souvenir de son accident de novembre 1978 sur une route verglacée de Corrèze qui l'enverra à l'hôpital Cochin, d'où il lancera son célèbre appel ? "L'âge ? Des rencontres ?", s'interroge Vincent Julé-Parade.
"C'était un élu du monde rural. Il a certainement été marqué de voir tous ces villages endeuillés chaque weekend par la perte de jeunes. Il était également sensible au regard du monde et de l'Europe, et la France était décrite comme la mauvaise élève en Europe", évoque Rémy Heitz.
Depuis, explique-t-il, "des pays comme l'Espagne ont repris certaines de nos mesures": "La France est devenue un modèle".