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Le candidat Zemmour et les journalistes: des débuts électriques

Huées, insultes, menaces envers les journalistes ont émaillé dimanche le premier meeting de campagne du candidat d'extrême droite Eric Zemmour, ancien journaliste qui incite ouvertement au dénigrement des médias, à l'image de Donald Trump.

La scène risque de faire date: dans l'enceinte du parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis), le public, venu soutenir Eric Zemmour pour son premier meeting de candidat à l'Elysée, se met à scander dimanche après-midi "Tout le monde déteste Quotidien !"

Huée par la foule, l'équipe de journalistes de l'émission, présentée par Yann Barthès sur TMC (groupe TF1), est brièvement "mise à l'abri", selon l'équipe de communication du candidat.

"La sécurité a surréagi. Ils sont revenus. Il n'y a eu aucune violence", a-t-elle assuré à l'AFP.

Pour Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), "cela rappelle clairement les meetings de Donald Trump" qui "non seulement depuis la tribune admonestait les journalistes mais en plus faisait en sorte que la salle entière les vitupère, ça c'est une dérive extrêmement inquiétante".

"Depuis des mois, il ne se passe pas une seule journée sans que le pouvoir et ses relais médiatiques ne m’attaquent: ils inventent des polémiques (...), ils fouillent dans ma vie privée, ils me traitent de tous les noms", s'exclamait dimanche Eric Zemmour devant une dizaine de milliers de personnes, provoquant des huées.

Chauffés à blanc avant même son discours, des militants d'Eric Zemmour avaient réagi violemment à la présence d'une équipe de journalistes du "Quotidien".

A l'origine de l'incident, "un jeune homme" qui "hurle +Quotidien collabo+", relatent lundi dans un article des journalistes du site d'investigation Médiapart, également présents sur place.

Dans la foulée, les reporters, qui interrogeaient des participants, sont pris à partie, avant d'être évacués.

Pris dans ce mouvement de foule, entre journalistes, service d'ordre et militants, deux journalistes de Mediapart sont frappés derrière la tête.

- Coup de poing, claque et menace de mort -

"Mon collègue Armel Baudet (journaliste reporter d'images, ndlr) a pris un coup de poing derrière la tête et moi, une claque assez forte à l'arrière de la tête", raconte à l'AFP Célia Mebroukine, reporter pour "A l'air libre", l'émission vidéo quotidienne de Mediapart.

"C'était ciblé parce que personne d'autre que nous n'a été frappé", estime la journaliste. Peu avant cette agression, "sur mon passage, j'ai entendu un militant dire à un autre +Fais-moi signe si t'as besoin d'aide pour une ratonnade+", ajoute-t-elle.

Elle a annoncé ensuite sur Twitter un dépôt de plainte: "mon collègue @Armelbaudet, notre employeur @Mediapart et moi-même avons déposé plainte ce lundi pour violences (des coups) et menaces (appel à +une ratonnade+)".

D'autres journalistes présents lors du meeting, dont une vidéaste de l'AFP, ont aussi rapporté avoir subi la colère de certains militants.

"+Je pardonne plus, je tue+, me lance un militant en me bousculant, en me regardant dans les yeux. Vol de matériel photo. Projectiles sur la presse. Insultes", a tweeté dimanche Eliot Blondet, photographe de l'agence Abaca.

- Ambiance survoltée -

Y compris le candidat a été marqué par cette ambiance survoltée lorsqu'un individu l'a empoigné au milieu de la foule, lui occasionnant une blessure au poignet.

"La violence physique contre les journalistes vient toujours du même camp, c'est toujours les antifas qui agressent", soutenait dimanche soir sur LCI Dénis Cieslik, porte-parole des amis de Zemmour.

Une affirmation aussitôt contestée par Paul Larrouturou, journaliste sur la chaîne d'information, qui révélait avoir été "menacé de mort" par un militant alors qu'il suivait Eric Zemmour avant son entrée sur scène. "Eric Zemmour a fait huer six fois les journalistes dans son meeting aujourd'hui alors ne vous étonnez pas si nos confrères sont pris à partie", a-t-il ajouté.

Le discours anti-médias "était avant une arme réservée aux populistes que de plus en plus de candidats, même +clean+, utilisent" parmi lesquels François Fillon lors de la dernière campagne présidentielle, rappelle l'historien des médias Alexis Lévrier, maître de conférences à l'université de Reims.

"En se faisant le trublion antisystème", Eric Zemmour "est dans un secteur déjà occupé où il se retrouve en concurrence avec Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, Florian Philippot... Ils sont pléthore maintenant".

"Le +media-bashing+ est devenu une pratique politique assez fréquente dans toute l'Europe", déplore pour sa part le numéro un de RSF.

A "Eric Zemmour d'affirmer clairement que cela ne se reproduira plus", estime Christophe Deloire. "S'il laisse faire, c'est sa responsabilité et elle est lourde."

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