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Ses bras sont immobilisés par d'épais bandages mais son visage dessine un soulagement. Par "peur du virus", Astou Ndiongue est "restée avec la douleur pendant des semaines" avant d'être opérée des mains à l'hôpital Saint-Louis, à Paris, où la transition post-covid impose une hygiène renforcée.
"Il m'a sauvé deux doigts", sourit la jeune femme de 32 ans, les yeux tournés vers le Pr Maurice Mimoun, venu à son chevet. "Si elle avait attendu trop longtemps, elle aurait perdu l'usage de ses mains", confie le chirurgien qui suit depuis plusieurs années cette patiente atteinte d'une maladie génétique rare.
Son opération, considérée comme urgente, n'aurait pas été reportée même au plus fort de la crise sanitaire quand l'hôpital a suspendu de nombreuses interventions chirurgicales non-vitales.
"On commence à reprendre, d'abord par le plus urgent, comme des reconstructions du sein ou des séquelles de brûlures. Mais on n'est pas à 50% de notre activité", explique M. Mimoun.
La redémarrage de toutes les spécialités pourrait attendre jusqu'à septembre. "Mieux vaut être prudent. Tant qu'il y a un doute sur le retour d'une nouvelle vague, le but est de pouvoir faire machine arrière", souligne le professeur.
Depuis deux semaines, Saint-Louis, qui dépend de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), n'a accueilli que 23 patients atteints de Covid-19, un chiffre en net recul.
"Les données épidémiologiques sont rassurantes, mais on reste vigilants, il n'est pas question de se laisser piéger par ce virus qui nous a appris l'humilité", rappelle le Pr Benoît Plaud, chef du service anesthésie-réanimation chirurgicale et directeur médical de crise pendant l'épidémie.
Actuellement, une dizaine de patients Covid sont en réanimation - contre 54 au plus fort de la crise.
"Cette phase de transition est probablement aussi difficile que la phase de montée en charge", souligne M. Plaud, dont les équipes tournent aujourd'hui à 80% de leur capacité initiale.
Quand réduire la voilure des lits Covid? Quand "réarmer" l'offre de soins non-Covid? "C'est une dynamique de flux permanente" qui comprend "sa part d'incertitude et de risques", assume le professeur, confronté à "une crise hors cadre, pour laquelle on n'était pas préparé".
- Patients immuno-déprimés -
L'enjeu pour les soignants est aujourd'hui de convaincre les malades, notamment ceux qui souffrent de pathologies chroniques, de retrouver le chemin de Saint-Louis, fondé au début du XVIIe siècle pour isoler les malades contagieux après plusieurs épidémies de peste à Paris.
"Des patients à qui l'ont dit qu'il faudrait qu'on les voie ne souhaitent pas venir car ils ont peur et ne veulent pas sortir de chez eux", s'inquiète la pneumologue Anne Bergeron-Lafaurie.
L'établissement, spécialisé dans la cancérologie, la dermatologie, l'hématologie et les greffes de reins ou de moelle osseuse, "accueille beaucoup de patients immuno-déprimés, donc nous avons une vigilance particulière", explique Micheline Thégat-Le Cam, en charge des équipes opérationnelles d'hygiène.
Pour regagner leur confiance, Saint-Louis s'est réorganisé pour "renforcer la sécurité de la prise en charge", ajoute-t-elle.
A l'entrée de l'hôpital, un circuit sépare les arrivants et les sortants. Des bénévoles, issus du service civique et du personnel navigant d'Air France, vérifient que les visiteurs portent bien leurs masques et se lavent correctement les mains au gel hydroalcoolique.
La conversion d'une unité Covid - une trentaine de lits - en une unité classique suit également un protocole strict qui dure une petite semaine.
Au troisième étage, Jocelyne Digendakumana et Marcelle Tchamba, deux aides-soignantes, achèvent le bionettoyage d'une chambre qui doit être réaffectée dans quelques jours à son service d'origine, l'urologie. La moindre petite surface du lit est désinfectée, les draps retirés et glissés dans un sac hermétique, puis un second.
Dans une pièce voisine, deux hommes font vrombir un puissant extracteur d'air pour ventiler chaque recoin, jusqu'au faux-plafond. Tout le matériel a été placé en quarantaine pendant 96 heures.
"En général, on fait ça l'été, quand des lits ferment. Mais tout sortir des placards, à ce point, c'est très rare!", note Fabienne Colledani, cadre de santé.
Si la crise a mis en lumière les soignants, notamment en réanimation, le personnel d'hygiène sera "la cheville ouvrière" de l'hôpital post-covid, appuie Micheline Thégat-Le Cam.