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"Cette cathédrale, nous la rebâtirons. Tous ensemble" : cette déclaration solennelle du chef de l'Etat, lundi soir devant Notre-Dame en flammes, n'était pas celle qu'il devait prononcer si le terrible incendie n'avait pas bouleversé son agenda.
En fin d'après-midi, tout était prêt à l'Elysée pour l'allocution où Emmanuel Macron devait, à 20 heures tapantes, enfin livrer ses réponses à la crise des "gilets jaunes" et au grand débat. Une allocution décisive, promise depuis des semaines, censée lancer "l'acte II" du quinquennat. Il venait de l'enregistrer avec de gros moyens de réalisation.
Puis tout a basculé. Vers 19h00, les chaînes d'info interrompaient leurs émissions spéciales sur l'intervention présidentielle pour montrer de premières images impressionnantes de la cathédrale en feu. Quarante minutes plus tard, soit vingt minutes avant l'heure H, Emmanuel Macron a finalement tout annulé pour se rendre sur place. Par deux fois.
"Comme tous nos compatriotes, je suis triste ce soir de voir brûler cette part de nous", a tweeté le chef de l'Etat en quittant le Palais à la hâte.
L'air grave, le président et son Premier ministre sont arrivés vers 20h35 sur le parvis désert, bouclé par les pompiers, aux côtés de la maire de Paris Anne Hidalgo et de nombreux ministres. Un peu en retrait, Brigitte Macron, très émue, était elle aussi sur les lieux.
Tous sont restés une vingtaine de minutes, alors que le feu se propageait sur les toits de Notre-Dame, au point que la situation semblait désespérée.
Après l'effondrement de la flèche, puis de la toiture, le secrétaire d'Etat à l'Intérieur Laurent Nuñez a averti sombrement que "sauver l'édifice n'est pas acquis". Les pompiers craignaient par dessus tout l'effondrement de la tour nord, gagnée par le feu. Emmanuel Macron est rentré à l'Elysée pour suivre la situation.
Deux heures plus tard, les 400 pompiers avaient réussi à circonscrire en partie l'incendie. Laurent Nuñez annonçait, soulagé, que l'édifice était sauvé. A peine cette bonne nouvelle entendue, le chef de l'Etat est revenu sur place vers 23h30, de nouveau accompagné de son épouse, alors que la cathédrale brûlait encore.
"Le pire a été évité", "la façade et les deux tours ne se sont pas effondrés", a-t-il annoncé. "Notre-Dame, c'est notre histoire", a-t-il dit, parlant de "fierté" et "d'espérance". "Cette cathédrale, il y a 800 ans nous avons su l'édifier", a-t-il ajouté, annonçant le lancement d'une souscription nationale "dès demain" pour la rebâtir, "parce que c'est notre destin profond".
- "Fluctuat nec mergitur" -
Derrière lui, la maire PS de Paris Anne Hidalgo, qu'il a saluée chaleureusement, partageait son émotion en un moment d'unité nationale.
Le chef de l'Etat s'est ensuite approché des portes ouvertes de la cathédrale pour regarder l'intérieur de la nef, où les braises rougeoyantes tombaient du plafond. Main dans la main avec son épouse, il a ensuite salué les pompiers sur l'esplanade.
Le président n'a pas fait la moindre allusion à l'allocution annulée. Ni sur la date à laquelle elle aurait lieu, ni sur le maintien ou non de la conférence de presse prévue mercredi à l'Elysée, une première.
La classe politique dans son ensemble a fait part de son "immense tristesse". Pour le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand, qui s'est également rendu sur place, c'est "le cœur et l'histoire de Paris (qui) brûlent sous nos yeux".
Anne Hidalgo a dit ne pas avoir "de mot assez fort pour exprimer la douleur" qu'elle ressent. "Ce soir, tous les Parisiens et Français pleurent cet emblème de notre Histoire commune. De notre devise, nous tirerons la force de nous relever. Fluctuat nec mergitur."
Au-delà des frontières, l'incendie du monument le plus visité d'Europe a bouleversé à travers le monde, jusqu'à la Maison Blanche où Donald Trump a jugé "terrible" d'assister au brasier. "Il faut agir vite", a tweeté le président américain, alors que les principales chaînes de télévision américaines ont modifié leurs programmes pour diffuser en direct les images du brasier.