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"Le désir d'être aimé, d'aimer", mais aussi "le désir d'un monde meilleur": Oxmo Puccino, monument du rap, fait dialoguer en chansons la jeune génération dans le spectacle "Désir(s)" au Printemps de Bourges.
En maître de cérémonie, cette figure du hip-hop hexagonal depuis plus de 20 ans, veut "poser une réflexion" autour de ce titre-concept, comme il le dit à l'AFP. Avec les voix des jeunes artistes conviés pour ce show de jeudi. Soit un pan de la relève rap/r'n'b incarnée par B.B. Jacques, Benjamin Epps, Eesah Yasuke, Jäde et Jok'Air.
"On sait qu'Oxmo est dans cette position de transmission, avec cette création, ce n'est pas lui qu'il met en avant, mais de jeunes artistes", commente pour l'AFP Boris Vedel, directeur du Printemps de Bourges (jusqu'à dimanche).
Ces talents émergents vont rapper "le désir d'être aimé, d'aimer en toute sérénité", détaille Oxmo Puccino.
Mais ce casting est également un pied de nez à ceux qui opposent les générations dans le rap, ceux qui disent que la scène actuelle est moins engagée par exemple. Eesah Yasuke, rappeuse de Roubaix, est ainsi l'autrice de "X-Trem", morceau qui met en garde contre la montée des idées d'extrême droite sur une trame musicale anxiogène.
- "Pas nostalgique" -
Le quatrième album du rappeur parisien Jok'Air s'appelait "VIe République". Sur la pochette, l'artiste, sur un balcon, lève le bras d'une présidente de la République de fiction, qui n'est autre qu'Assa Traoré. Militante, soeur d'Adama Traoré, jeune homme noir mort en 2016 peu après son arrestation par des gendarmes au terme d'une course-poursuite.
"Ces artistes expriment le désir d'un monde meilleur, tout simplement", s'amuse le jongleur de mots Oxmo Puccino.
On remarque aussi dans l'affiche de "Désir(s)", Benjamin Epps, petit nouveau qui sonne comme un rappeur des années 1990, époque où Oxmo Puccino a été happé par le hip-hop.
"Ce qui me fait plaisir, c'est la manière dont Benjamin arrive à +kicker+ (percuter vocalement), les formules qu'il arrive à trouver, l'esprit qui y avait dans le rap des années 90 qu'il arrive à ré-imprimer, avec efficacité, de manière incisive". "Quand je l'ai vu arriver, je me suis dit +il déchire+", flatte celui qui n'est pas encore quinquagénaire.
Mais le patron de la soirée insiste: "Je ne suis pas nostalgique, j'essaye toujours d'être ancré dans mon temps, je vis l'instant présent et je passe au suivant".
- "Madeleines" -
Il a connu une période où le rap était stigmatisé. Et savoure forcément la bande son d'aujourd'hui, avec un rap devenu musique dominante, infusant le monde de la mode.
Le Printemps de Bourges, qu'on a longtemps présenté, à tort, comme un temple de la chanson française tendance Jacques Higelin, présente d'ailleurs cette année une solide programmation hip-hop, avec un gros cycle de concerts et évènements.
"J'ai très vite compris de quel côté était l'ignorance, j'ai appris à ne pas m'en offusquer et à être patient: aujourd'hui, le rap est toujours là, contrairement à beaucoup d'entreprises du CAC 40 des années 1990 aujourd'hui disparues", se réjouit Oxmo Puccino.
L'auteur de "Toucher l'horizon" salue "une suite logique, 20 ans d'Histoire". "J'en suis l'heureux témoin". Il en est aussi le passeur dans son émission "Bâtiment B" (sur Culturebox et l'application France.tv), du nom d'un repère de sa cartographie personnelle, lui le Malien arrivé à un an en France et élevé dans le XIXe arrondissement de Paris.
Mais dans son univers il n'y a évidemment pas que les halls d'immeuble, cliché associé encore trop souvent au rap. Oxmo Puccino a foulé récemment les planches parisiennes aux côtés de l'actrice Françoise Fabian pour "Marcel", pièce de théâtre autour de Proust. "Un spectacle parti d'une discussion, ce qui prouve que j'ai encore de bons moments à vivre, quelques Madeleines" sourit-il.