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Adolescents et réseaux sociaux: le spécialiste Bruno Humbeeck donne ses conseils aux parents pour gérer leur temps d'écran

Gérer le temps d'écran de ses enfants et adolescents peut paraître très compliqué pour certains parents. Invité par Caroline Fontenoy dans Capital Santé, il a donné quelques pistes quant à l'usage des écrans et des réseaux sociaux. 

Dans Capital Santé, Caroline Fontenoy a reçu le psychopédagogue Bruno Humbeeck, directeur de recherche au sein du service des sciences de la famille à l'Université de Mons. Ils ont abordé les réseaux sociaux et plus globalement les écrans qui sont entre les mains des enfants et adolescents. 

Pour lui, une génération est particulièrement sensible et exposée : il s'agit des enfants nés en 2013 ou après, qui n'a pas connu le monde sans les réseaux sociaux. Certains ont été au cœur de ce qu'on appelle le sharenting, qui est "une tendance naturelle des parents, ils ne doivent pas s'en culpabiliser, à diffuser l'image de leurs enfants sur les réseaux sociaux sans demander l'autorisation à l'enfant. Et donc, l'enfant vit cette situation de transparence comme quelque chose de tout à fait naturel."

La génération de verre

Un nom a même été donné à cette génération : "On parle de génération de verre parce que le verre, c'est fragile. Cette génération est fragile, mais aussi transparente, ça casse facilement, mais on peut voir à travers. Et les jeunes ont actuellement ce sentiment. C'est pour ça qu'il faut évidemment revisiter l'éducation qu'on leur donne parce qu'ils ont l'impression que tout doit être mis dans l'espace public", explique l'expert. 

Le danger, selon Bruno Humbeeck, c'est qu'on demande aux jeunes filles par exemple, "de se montrer attractives au niveau de leur corps parce qu'il faut attirer des followers". Elles vont alors user de stratagèmes et de filtres divers pour gommer les défauts et attirer. Ce qui crée du complexe qui n'existe pas. 

"C'est ce qui explique que 8 petites filles sur 10 se trouvent moins jolies que les autres filles de sa classe, non pas parce qu'elles ont filtré leur image, mais parce qu'elles sont likées dans une image qu'elles savent filtrer. Et donc, l'effet sur l'estime de soi est tout à fait paradoxal. Vous avez le sentiment effectivement que la personne qui est likée, ce n'est pas vous, c'est la personne que vous avez améliorée. C'est l'effet Barbie, en pire", commente le psychopédagogue.

Pas d'addiction aux écrans

En tant que parents, on peut parfois s'inquiéter du temps que les enfants et adolescents passent devant les écrans. Mais contrairement à ce qu'on peut penser, il ne s'agit pas d'addiction, selon Bruno Humbeeck. 

"On ne peut pas être addict aux écrans alors que les écrans vous permettent d'utiliser les réseaux sociaux, de regarder des séries, de jouer à des jeux vidéo. Les écrans sont porteurs d'activités multiples et par nature, on ne peut pas être addict à des activités multiples", précise le spécialiste. 

D'après lui, le temps d'écran est problématique, mais pas l'écran en lui-même. "Il faut éviter de le diaboliser, sinon on crée une tension avec l'adolescent et surtout, on crée les conditions du silence. Si vous avez diabolisé les écrans, s'il vit des choses qui le mettent mal à l'aise, qui le mettent en difficulté, il ne vous en parlera pas parce qu'il sait ce qu'il va entendre", poursuit Bruno Humbeeck.  

Réguler le temps d'écran

Il donne quelques conseils pour les parents face à son ado et le temps d'écran à réguler. 

"Là, vous allez réellement avoir la posture de l'adulte qui est disponible sans être envahissant. N'espérez pas avec, par exemple, le contrôle parental, gérer la situation. On ne peut plus se parler d'illusion du contrôle parental. Il faut savoir que pour un enfant de 12 ans, il faut huit minutes pour qu'il détourne le contrôle parental en moyenne. Donc, c'est vraiment l'illusion de contrôle. Par contre, le véritable contrôle, c'est : tu me dis si quelque chose te pose problème, te pose question des informations qui dépassent ta capacité de les traiter, des agressions sur les réseaux sociaux. On sait comment on pourra réagir et donc tu en parles. Ce sera beaucoup plus rentable sur ce plan-là", détaille-t-il. 

Enfin, il donne également un petit truc simple pour contrôler le temps d'écran : "Plutôt que de couper, comme on le fait de manière trop systématique notre temps en deux - il y a le temps libre et le temps professionnel ou scolaire -, coupons-le en trois voire en quatre. Il y a le temps libre qui est le temps qui n'appartient qu'à toi. Tu fais ce que tu veux. Tu peux l'utiliser pour des écrans. Tu peux même l'utiliser pour ne rien faire si tu veux. Ça, c'est ton temps libre. Il y a le temps familial qui est un temps négocié : à table, pas d'écran. Ça, c'est le temps familial. Il y a le temps obligatoire qui est le temps de l'école. Il n'est pas question d'avoir des écrans qui sont au-delà des écrans qui sont prescrits par l'école. Il y a le quatrième temps chez l'enfant et l'adolescent qui est le temps de sommeil. Coupe la journée de l'enfant en quatre, mais laisse-lui ce temps libre, qu'il puisse l'utiliser comme il le veut. Parce que si on met de la tension, il se retrouve effectivement avec des choses qui lui sont interdites, qui sont diabolisées. Et donc, on crée ces conditions du silence".
 

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