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Les pires scénarios de récession s'éloignent pour l'économie allemande qui traverse mieux que prévu l'hiver et la crise énergétique, mais doit se transformer pour assurer son avenir.
La croissance de son produit intérieur brut (PIB) en 2022 a dépassé les attentes, atteignant 1,9%, malgré "le contexte difficile" de la guerre en Ukraine et la flambée des prix, a indiqué vendredi l'institut national de statistiques Destatis.
Berlin tablait cet automne sur une croissance de 1,4% en 2022, après 2,6% en 2021.
Mais la première économie de la zone euro défie "toujours la récession", a résumé Carsten Brzeski, analyste pour ING.
Car le PIB a "stagné" durant les trois derniers mois de 2022, évitant à ce stade un passage dans le rouge, selon une estimation très préliminaire de Destatis.
Consommation qui résiste, aides publiques, économies d'énergie dans l'industrie... Face à la crise, l'Allemagne tient bon, même si "les pertes économiques globales ont tout de même été considérables puisque avant l'offensive russe sur l'Ukraine, on s'attendait encore à une croissance environ deux fois plus élevée", a commenté Fritzi Köhler-Geib, économiste à la banque KfW.
- Météo clémente -
"Nous avons réussi à maîtriser cette crise (...) Le ralentissement hivernal sera plus modéré et plus court que prévu", s'est félicité le ministre de l'Economie, Robert Habeck.
Le gouvernement table toujours sur une récession de 0,4% en 2023, mais la plupart des instituts sont moins pessimistes.
La crise énergétique, causée par la guerre en Ukraine, a bousculé le modèle allemand, basé notamment sur l'importation massive de gaz peu cher venant de Russie.
La guerre a mis fin aux livraisons russes, occasionnant, pendant une partie de l'année, une flambée des prix en Europe. L'inflation s'est envolée, comme les coûts de production de l'industrie, moteur de la croissance allemande, alimentant les craintes d'une crise économique majeure pour le pays.
Dans ce contexte, c'est la consommation privée qui a pris le relais devenant l'an dernier "le principal pilier" de la croissance, explique Destatis, avec des dépenses ayant quasiment retrouvé leur niveau d'avant la pandémie de Covid-19.
Les aides massives du gouvernement pour soutenir le pouvoir d'achat ont évité l'effondrement des dépenses privées quand les prix de l'énergie et de l'alimentation se sont envolés.
Les industries, elles, "se sont montrées créatives" pour économiser du gaz, souligne Jan-Christopher Scherer, expert de l'institut économique DIW.
Selon une étude de l'institut IFO, "trois quarts" des industries utilisant du gaz ont baissé leur consommation sans limiter leur production.
Les prix de l'énergie ont aussi baissé ces derniers mois, grâce à un hiver doux en Europe, et aux efforts de Berlin pour accroître son approvisionnement en gaz liquéfié.
Sur le front de l'offre, l'amélioration progressive des tensions sur les chaînes d'approvisionnement dans les marchés mondiaux a soulagé l'industrie exportatrice.
"Ces effets positifs ont en partie compensé les conséquences de la guerre et des prix élevés de l'énergie", assure M. Brzeski.
- "Prochains mois difficiles" -
Mais la crise n'est pas finie. "Les prochains mois vont être difficiles", estime Oliver Holtemöller, chercheur à l'institut économique IWH.
Même si le cours du gaz a plongé ces derniers mois sur les marchés de court terme, les prix resteront longtemps supérieurs structurellement à leur niveau d'avant-crise.
Berlin a certes lancé un bouclier tarifaire à 200 milliards d'euros, qui permettra de bloquer les prix de l'énergie et du gaz en 2023 et 2024. Mais il ne pourra pas tout compenser, surtout si les prix remontent brusquement.
D'autant que les comptes publics ont déjà accusé un déficit de 101,5 milliards en 2022, à 2,6% du PIB, qui devrait se creuser à 3,25% cette année.
Le secteur automobile devrait connaître sur 2023 un chiffre de vente encore "inférieur d'un quart à celui de 2019", avant la pandémie, selon la fédération allemande des constructeurs automobiles (VDA).
Et certaines industries très consommatrices d'énergie, comme la chimie, pourraient même quitter le pays, avertissent des experts. Sur un an, en novembre, la production dans ces secteurs a déjà fondu de 12,9% par rapport à une année 2021 pourtant marquée par la pandémie.
De plus en plus de voix appellent à abandonner ces branches jugées peu compétitives, au profit d'industries plus technologiques et moins énergivores.