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Grâce à ses livres, Patrick Sébastien a empêché plusieurs personnes de passer à l’acte, dont un homme politique en pleine tourmente. L’animateur et écrivain revient sur ces témoignages bouleversants et sa vision du rôle des artistes.
RTL Info : Patric Sébastien vous êtes une figure emblématique du monde médiatique depuis plus de 40 ans. Dans votre nouveau livre "Le Carnaval des ambitieux", publié aux éditions XO, vous livrez des portraits saisissants des personnes que vous avez cotoyés. Dès le début, vous vous décrivez en disant : "J'ai l'image d'un beauf sympathique, grivois, d'une autre époque". Vous dites vous être fait à cette image, mais qu’en est-il vraiment ?
Patrick Sébastien : Ça me va très bien.
Vous n'avez pas une petite frustration à vous dire que vous auriez aimé qu'on retienne autre chose ?
Non, parce qu’il faut choisir entre la respectabilité et la popularité. J’ai choisi la popularité. Et puis, je la cultive aussi, cette image de beauf. J’aime bien osciller entre le léger, avec des chansons comme "Les Sardines" ou "Les Serviettes", et des choses plus profondes, comme ce livre ou mon spectacle "Hommage et Dessert". "Le Carnaval des ambitieux", c’est justement une réflexion sur ces masques qu’on porte tous. Moi, je suis un artiste. Je fais plein de choses différentes, et cette caricature de beauf m’amuse. Le vrai moi, je le connais.
Comme dans la chanson de Souchon : "Ravi de donner votre avis sur la vie" ?
Exactement. Et j’aime bien avoir un regard bienveillant. J'ai la chance de faire ce métier depuis 50 ans et d'avoir gardé mes racines, celles de la province où j'ai grandi. J’ai toujours les mêmes amis, je n’ai pas beaucoup d’argent, mais j’ai aussi connu des présidents et des princes.
Vous avez également rencontré des stars du showbiz, dont certaines étaient à leurs débuts, comme Céline Dion. Vous racontez dans votre livre qu'elle faisait vos premières parties en 1984.
Oui, je lui ai fait faire son premier Olympia. Elle était en première partie, et ça résume bien mon livre, parce qu’il explore plusieurs types d’ambitions. Céline, à 16 ans, était une petite fille ambitieuse qui rêvait d’être une grande chanteuse. Elle n’imaginait pas devenir la plus grande chanteuse du monde et milliardaire. Mais cela pose une question essentielle : est-ce que l’ambition vaut le prix qu’elle coûte ? Quand je vois ses problèmes de santé aujourd’hui, je me demande quelle version d’elle était la plus heureuse. Cette question touche tout le monde : jusqu’où aller pour exister autant que les autres, voire plus ? Ça peut être dangereux.
Et vous, avez-vous répondu à cette question ? Vous êtes un artiste, vous avez aussi envie d'exister.
Oui, mais à ma façon. J’existe dans l’écriture, sur scène, dans le contact avec le public. C’est là qu’on est vraiment heureux. Johnny me disait un jour qu’il n’était heureux que sur scène. Pour moi, l’écriture, c’est une forme d’intimité avec les gens. Ce lien avec le public, c’est ce qui nous maintient vivants.
Vous parlez aussi de Jean Dujardin dans votre livre. Vous l'avez repéré dans "Nous, c'est nous", quand il faisait des sketchs dans vos émissions.
Oui, au début, il était dans la bande du Carré Blanc. Et puis, quelques années plus tard, je le vois remporter un Oscar. Mais avec ce succès est venue une grande solitude. Il m’a dit un jour : "Je vis dans une prison dorée. Je ne peux plus faire un pas sans que ce soit compliqué". Sa vie a basculé sur plein de choses. C'est pas si facile, après ils ne sont pas à plaindre, c'est aussi formidable, mais c'est délicat à gérer.
Une autre grande rencontre : Dany Boon. Vous l’avez repéré en Belgique.
Oui, au Festival de Rochefort. J'avais une première partie et en faisant mon spectacle d'imitateur je l'ai reperé, il était en compétition avec d'autres jeunes humoristes. Je venais de produire Albert Dupontel, une autre fierté. Albert m’a envoyé le plus beau message après ses César en me disant : "Tout est parti de toi, le jour où tu m’as sorti de ma chambre de bonne". Pour moi, c’est ça, la plus grande récompense.
Vous produisez encore des talents aujourd’hui ?
Oui, une jeune imitatrice qui s’appelle Sarah. Elle a un talent exceptionnel et deviendra une grande star. À l'époque, je disais simplement aux artistes : "Monte sur scène, je te donne les moyens de t’exprimer". Pas besoin de leur dire quoi faire, juste de les soutenir.
Vous évoquez aussi Coluche dans votre livre. Vous dites que son décès reste une question ouverte.
C’est complexe, il faut lire le livre pour comprendre. Coluche m’avait dit un jour : "Je n’ai pas d’amis". Dans ce métier, plus on est entouré, plus on peut se sentir seul. C’est un paradoxe difficile à vivre.
Un thème récurrent dans votre livre est le deuil. Vous parlez beaucoup de votre fils, décédé tragiquement.
Perdre un enfant, c’est un chagrin impossible à expliquer. C’est comme être un handicapé dans un fauteuil qu’on ne voit pas. Ce qui m’a le plus blessé, c’est que des gens m'ont craché à la gueule une semaine après. Avant de juger quelqu’un, il faut regarder ce qu’il a vécu. C’est pour ça que j’ai appelé ce livre "Le Carnaval des ambitieux". Il faut voir au-delà des masques.
Vous avez aussi écrit que vos livres ont parfois changé des vies.
Oui, des gens m’ont dit qu’ils avaient envisagé de se suicider et qu’après avoir lu mes livres, ils avaient changé d’avis. Un homme politique, qui était accusé de plein de choses et qui s'est retrouvé au milieu d'une tournade médiatique, m’a même confié que mon livre lui avait sauvé la vie. Peu importe qu’on me traite de beauf. Pour moi, c’est ma Légion d’honneur.