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Procès Wirecard: l'ex-patron jugé pour fraude veut sauver les apparences

Avec son pull à col roulé bleu marine assorti à son costume, l'ancien PDG du fleuron numérique Wirecard est apparu jeudi, à l'ouverture de son procès pénal à Munich, comme au temps où il rencontrait les actionnaires en assemblée générale.

Mais Markus Braun n'est plus le flamboyant patron d'une des entreprises de paiement en ligne les plus en vue du secteur.

L'homme au visage émacié, détenu depuis deux ans et demi, est jugé pour de multiples malversations ayant conduit à la faillite retentissante de Wirecard, un scandale qui a éclaboussé, en 2020, le monde financier et politique allemand.

Son procès a débuté dans une salle sécurisée au sein de la prison de Stadelheim, dans la capitale bavaroise, et se poursuivra au moins jusqu'en 2024.

La voix assurée, l'Autrichien de 53 ans a répondu aux premières questions de routine du tribunal.

Suivant avec attention, sur son ordinateur, la fastidieuse lecture de l'acte d'accusation, l'ingénieur informaticien a donné l'impression qu'il est là pour en découdre avec la justice.

Il nie tout délit, se considérant plutôt comme victime de la fraude. Il devrait s'exprimer lors de la prochaine audience lundi.

- Patron milliardaire -

Pendant les années d'ascension fulgurante de Wirecard, Markus Braun cultivait les ressemblances avec l'ex-patron d'Apple, Steve Jobs, aimant comme lui exposer sa vision d'un avenir numérique.

Mais le parquet de Munich le voit comme un escroc et chef de bande, le tenant comme principal responsable d'un scandale "sans précédent" dans l'Allemagne d'après-guerre, selon le ministre des Finances de l'époque Olaf Scholz, depuis devenu chancelier.

M. Braun est accusé de fraude comptable, de manipulation de marché, d'abus de confiance aggravés et d'escroquerie en bande organisée.

Deux anciens cadres sont également dans le box : Stephan von Erffa, ancien chef comptable, et Oliver Bellenhaus, ancien directeur d'une filiale basée à Dubaï, qui va servir de "témoin clé" pour l'accusation.

L'avocat de M. Bellenhaus, Florian Eder, a déclaré jeudi s'attendre à l'indulgence des juges pour son client qui a coopéré avec la justice, espérant qu'il sera même libéré de sa détention provisoire pendant le procès.

Prenant la tête en 2002 d'une jeune start-up qui gagnait de l'argent grâce aux sites pornos et jeux d'argent, M. Braun a hissé Wirecard jusqu'à l'élite de la Bourse allemande, l'indice Dax, en 2018.

La firme d'Aschheim, dans la banlieue de Munich, valait alors plus que le mastodonte Deutsche Bank et M. Braun, qui détenait 7% des actions, était milliardaire.

- Ventes fictives -

Wirecard a coulé en Bourse en juin 2020, après que ses dirigeants ont avoué que 1,9 milliard d'euros d'actifs, soit un quart de la taille du bilan, n'existaient pas en réalité.

Acteur central de la fraude présumée, l'Autrichien Jan Marsalek, ancien bras droit de M. Braun, est en cavale depuis deux ans et demi.

L'affaire verse avec lui dans le roman d'espionnage car M. Marsalek, 42 ans, est soupçonné d'avoir bénéficié de complicités au sein de certains services secrets et d'être lié à des intérêts russes ou libyens.

L'enquête a révélé que les comptes de Wirecard pour les années 2015 à 2018 avaient enjolivé la situation, afin de rendre l'entreprise attractive pour les investisseurs.

Une partie des commissions basées sur des paiements apparaissaient comme prélevées non par Wirecard mais par de prétendus tiers en Asie et dans la région du Golfe, qui avaient une licence d'exploitation.

Or, "il n'y avait en réalité aucun revendeur mis en relation par ces partenaires", selon l'acte d'accusation.

L'avocat de M. Braun, Alfred Dierlamm, devrait plaider lundi que l'activité de tiers de Wirecard n'était pas fictive, mais existait réellement.

Les commissions n'ont pas été transférées sur le compte fiduciaire de Wirecard mais ont été détournées vers des comptes logés dans des paradis fiscaux, à l'insu de M. Braun, selon l'avocat.

- Politiques étrillés -

Les actionnaires ont perdu dans la faillite plus de 20 milliards d'euros et les banques créancières environ 2 milliards d'euros.

L'affaire a révélé les lacunes du superviseur allemand des marchés financiers (BaFin), placé sous la tutelle du ministère des Finances, et du cabinet d'audit comptable, la multinationale EY.

Le monde politique,n jusqu'à l'ancienne chancelière Angela Merkel, qui s'était rendue en Chine accompagnée de l'ex-PDG de Wirecard, a aussi été étrillé tout au long de l'enquête parlementaire qui n'a pas réussi toutefois à pointer la responsabilité des gouvernants.

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