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Le public du Qatar aime-t-il l'athlétisme? En tout cas il adore son champion Mutaz Essa Barshim, sacré à domicile à la hauteur des Mondiaux de Doha, quinze mois après une opération à une cheville qui semblait l'avoir durablement plombé.
Mais où était passé Barshim l'homme-élastique ? Le champion du monde en 2017 à Londres, qui avait un temps menacé le record du monde du Cubain Javier Sotomayor (2,45 m) avec son record à 2,43 m. L'athlète à la technique si spectaculaire qu'elle pourrait filer un lumbago aux spectateurs tellement il se cambre autour des barres qu'il efface.
Ce Barshim là paraissait perdu après une opération à la cheville gauche en juillet 2018, les ligaments déchirés sur une tentative pour battre le record du monde justement.
Revenu en juin 2019, le Qatarien a enchaîné cette saison les concours moyens, sans jamais faire mieux que 2,29 m. Sans son emblématique champion, c'est carrément toute la discipline qui semblait attirée vers le bas: après plusieurs années fastes, aucun sauteur n'a réussi à passer 2,40 m depuis la blessure de Barshim.
- Saut à 2,37 m -
Mais il a rebondi de façon spectaculaire chez lui, au Qatar, dans le stade Khalifa qui avait enfin fait le plein: de nombreux spectateurs en "thobe", la tenue traditionnelle blanche, rugissaient dès les premiers sauts du héros local, même à des hauteurs modestes.
Avec son titre, Barshim (28 ans), dont le prénom Mutaz veut dire "fierté" en arabe, a offert au pays organisateur le premier or de ses Mondiaux et sa deuxième médaille après le bronze d'Abderrahman Samba sur 400 m haies mardi.
Le Qatarien paraissait pourtant mal parti après deux échecs à 2,33 m. Mais il a franchi avec classe au 3e essai avant de sortir deux gros sauts dès sa première tentative aux hauteurs suivantes à 2,35 puis 2,37 m, que personne d'autre n'a franchi.
Les deux Russes Mikhail Akimenko et Ilya Ivanyuk, qui concouraient sous drapeau neutre, ont tous les deux battu leur record personnel avec 2,35 m et complètent le podium.
La soirée de vendredi a clairement battu tous les records à l'applaudimètre grâce à Barshim, bien aidé par les supporters kényans poussant Conseslus Kipruto à conserver son titre sur 3 000 m steeple pour un centième de seconde, et par l'excitation née du record du monde du 400 m haies battu par l'Américaine Dalilah Muhammad (52.16).
- Etudiant à Aspire -
Mais c'est bien Barshim qui attirait tous les regards: non seulement il est Qatari mais il a grandi à quelques mètres du stade, sur les bancs de l'académie du sport Aspire de Doha.
"Ca veut dire beaucoup pour moi, je suis tellement heureux de gagner ici à la maison, s'est félicité Barshim après son titre. Je voulais vraiment le faire pour tous ceux qui sont venus m'encourager. Je n'étais pas prêt à 100%, mais ils m'ont permis d'élever mon niveau. J'ai vraiment ressenti l'énergie de la foule, de la part de l'Emir aussi qui était là ce soir. Grâce à tout ça, j'ai tout oublié, ma blessure, mes compétitions précédentes."
Le sauteur est un pur produit de la formation mise en place par le petit émirat gazier, né d'une mère d'origine soudanaise et d'un père qatari coureur de fond, qui a guidé ses pas en athlétisme, d'abord sur la marche, avant de bifurquer sur le fond et la hauteur.
Seule fausse note de la soirée: voulant profiter de l'ambiance les organisateurs ont essayé de remettre au plus vite sa médaille au champion local (alors que tous les autres la reçoivent le lendemain).
Mais lorsque les trois heureux élus se sont présentés sur le podium surélevé du stade Khalifa, tous les spectateurs étaient partis, et le son et les lumières avaient été coupés, laissant place à un grand moment de gène.
Barshim reviendra probablement demain récupérer sa médaille, pour le plus grand plaisir du public.