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A Montpellier, "l'épopée" d'une collection d'art non-officiel soviétique et russe

De la dérision à la transgression, Montpellier contemporain (Moco) met en lumière à partir de mercredi les tentatives d'artistes "non-conformistes" soviétiques et russes pour se créer des espaces de liberté.

Les 130 pièces présentées dans le musée contemporain montpelliérain proviennent d'une collection constituée par l'historien d'art Andreï Erofeïev, qui est aussi le commissaire de l'exposition.

Lui-même a subi des menaces dans le passé, notamment de milieux ultranationalistes et ultraorthodoxes russes, pour avoir organisé des expositions jugées choquantes par ces derniers. Il avait été condamné en première instance en 2010 à une amende pour l'exposition "Art interdit 2006" au terme d'un procès condamné par des ONG comme Amnesty International.

En 2008, il avait été licencié de la direction du département "nouvelles tendances" de la prestigieuse galerie nationale Tretiakov de Moscou après avoir milité pour "désoviétiser l'art" en Russie.

Jusqu'au 9 février, l'exposition retrace "l'épopée" de cette collection "très politique" de plusieurs milliers d'oeuvres datant des années 1950 à 2010 constituée par Erofeïev, souligne Nicolas Bourriaud, directeur du Moco.

Peintures, installations, sculptures et photographies étaient initialement destinées à la création d'un musée d'art contemporain qui n'a jamais vu le jour en Russie.

Après la Pérestroïka, elles ont été hébergées dans le palais Tsaritsyno à la périphérie de Moscou. Depuis 2002, une partie des oeuvres appartiennent à la galerie Tretiakov mais restent très peu montrées, certaines étant considérées comme "pornographiques", déplore M. Erofeïev.

L'exposition revient sur un "art qui était destiné à faire tomber le régime" soviétique, explique-t-il. "Puisque pratiquement tout était interdit, les artistes ont été poussés vers l'extrême dans la provocation et la transgression pour créer un espace de liberté face au +réalisme socialiste+", qui prône un art "figuratif" et "héroïque".

Le panorama de ces mouvements artistiques souterrains aux styles très divers part de la "révolte" en 1954 de trois jeunes sculpteurs, dont Nikolaï Silis, qui quittent un collectif académique pour proposer un art antitotalitaire.

Le peintre Vladimir Slepian fait lui revivre l'art abstrait dans des tableaux tachistes (peinture abstraite caractérisées par la projection de taches et de couleurs) avant de mourir sans-abri sur un trottoir parisien en 1998.

Le Sots Art (de "socialisme" et de "Pop Art"), fait rire en détournant les codes du pouvoir soviétique, notamment les figures de Lénine et Staline.

La fin de l'URSS en 1991 ne signifiera pas la fin de la longue bataille pour faire reconnaître un art contemporain qui continue à s'opposer au pouvoir.

Depuis les années 1990 sont apparus des "performeurs radicaux" comme Oleg Koulik, qui essaie de "transgresser la limite entre homme et animal", par exemple en présentant une pseudo campagne électorale d'un homme-bête sauvage, relève Andreï Erofeïev.

Pour l'historien, la culture contemporaine reste confrontée aujourd'hui en Russie à "des pratiques extrêmement conservatrices et antimodernistes", particulièrement si les artistes évoquent "la politique, le sexe ou la religion".

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