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A Notre-Dame-des-Landes, le gaz lacrymogène a remplacé la brume matinale

Sous les tirs de grenades lacrymogènes, un zadiste joue de l'accordéon et un autre de la flûte, à quelques mètres d'une barricade... Entre scènes de guérilla et ambiance champêtre, les expulsions de la ZAD donnent lieu à des scènes incongrues dans le bocage nantais.

"Les copains, y a du chocolat en morceaux !" Midi, l'heure du déjeuner a sonné au hameau des Fosses noires, en plein cœur de la ZAD (zone à défendre) de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).

Tandis qu'à quelques mètres de là les grenades explosives retentissent toujours, une longue queue se forme sur le chemin boueux où une buvette et une cantine improvisée ont été installées.

Sur une table, deux grandes marmites fumantes attendent les occupants, qui patientent assiettes à la main. Au menu, un mafé vegan, accompagné de riz safrané.

"Il y a de l'arachide. Pour ceux qui n'en veulent pas, on peut faire sans", lance, prévenant, un occupant à la cantonade.

"On en a assez pour nourrir 250 personnes", assure Vincent, 28 ans, l'un des sept cuisiniers à avoir préparé le repas dans la maison des Fosses Noires, toute proche. "Ah, on a oublié l'ail !", s'aperçoit-il en listant les ingrédients de sa recette.

"On est quelques-uns à savoir bien cuisiner en grande quantité et rapidement. C'est important, ça permet de libérer du temps aux autres pour repousser les flics", dit-il. La scène est quelque peu surréaliste alors qu'à quelques mètres gendarmes et zadistes s'affrontent dans un nuage de gaz lacrymogène.

"Priorité aux plus âgés !", lance une jeune femme, alors que de nombreux retraités sont venus apporter leur soutien à la lutte des zadistes. "C'est un tellement beau projet, il se passe de tellement belles choses: c'est un vrai bonheur de venir", raconte Yves, 64 ans, cheveux blancs sous sa capuche.

Depuis le début des expulsions lundi matin, une foule hétéroclite sillonne les chemins de la ZAD: agriculteurs avec leurs "tracteurs vigilants", militants de gauche grisonnants et zadistes plus jeunes, au visage souvent masqué. Des "Black Blocs" participent aussi aux affrontements, selon plusieurs zadistes.

- Tas de grenades -

Bottes, impers et jeans boueux sont de rigueur. Les plus déterminés portent masques à gaz, lunettes de protection, casques, boucliers ou talkiewalkie. Et plusieurs sont même équipés de raquettes de tennis, pour renvoyer les grenades lacrymogène vers leurs expéditeurs.

Une poignée confectionnent des cocktails Molotov dans de petites bouteilles de bières. Même ceux-là, "ils sont humains, ils n'ont pas envie de faire mal, c'est plus pour faire peur", assure Olivier, étudiant rennais de 33 ans, qui a connu l'opération César, tentative avortée d'évacuation de la ZAD en 2012.

"Aujourd'hui, les flics, ils sont cools parce qu'ils sont nombreux et qu'ils ont toujours Rémi Fraisse qui plane autour d'eux", assure le jeune homme cagoulé, en référence au jeune militant écologiste tué par une grenade offensive à Sivens en 2014. "En plus, ils arrêtent pas de s'embourber avec leurs blindés, ça nous fait bien rigoler. On s'est dit: c'est l'armée, c'est quand même la honte !" Pour sécuriser les opérations d'expulsion, les gendarmes mobiles doivent souvent prendre position au milieu des champs en tenue anti-émeute, à deux pas d'exploitations maraîchères. Par endroits, gaz lacrymogène et brume matinale s’entremêlent dans un paysage bucolique.

Dans un champ près des barricades, les zadistes ont fait un tas de grenades, dans une sorte de tri sélectif improvisé. Non loin de là, sous un grand barnum blanc, une large bâche bleue posée sur l'herbe permet à une dizaine d'occupants de se reposer pour une sieste ou une pause repas en attendant que les affrontements reprennent et alors qu'une pluie battante arrose la ZAD.

Tout d'un coup, l’explosion d'une grenade à l'extérieur réveille les zadistes qui dormaient sous la tente et se lèvent d'un coup pour se préparer à repartir au "front".

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