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Olivier Barrot, le voyageur littéraire rescapé du paquebot maudit

Ecrivain voyageur et conférencier littéraire, Olivier Barrot a embarqué le 7 mars à Buenos Aires pour une croisière "Patagonie - Terres antarctiques" de 16 jours. Le voilà enfin libéré, après quatre semaines de confinement forcé dû au coronavirus, à bord du Zaandam, paquebot maudit chassé d'une côte à l'autre.

Vendredi, le Zaandam et son bateau-soeur, le Rotterdam, ont été enfin autorisés à accoster en Floride et leurs passagers valides à regagner leurs pays. Olivier Barrot devait arriver samedi matin à Roissy.

"Je ne connaissais pas le Cap Horn et ne le connais toujours pas, la croisière a été tronquée. J'aurais évidemment évoqué (Francisco) Coloane, (Luis) Sepulveda, (Bruce) Chatwin..." regrette-t-il.

Le public le connaît surtout pour ses courtes émissions, "Un livre, un jour", sur France 3 et TV5 Monde, et ses nombreux magazines sur France Inter, France Culture et Radio Classique.

Pour l'AFP, il commente avec distance et drôlerie ce séjour forcé qui l'a conduit à improviser pour les passagers français (une centaine sur 1.800 de toutes nationalités) des conférences sur Jean d'Ormesson.

"Caractère et éducation: je ne perds jamais calme et confiance en situation de crise. J'ai de longue date adopté le devise British: +Please behave!+ (On se tient!)", écrit-il.

"Je devais donner à bord quatre conférences en relation avec les lieux traversés: Argentine et Uruguay, la guerre des Malouines, le mythe du Cap Horn, Pablo Neruda".

Une escorte érudite pour un itinéraire des îles Falkland/Malouines à la Terre de Feu, du Cap Horn au détroit de Magellan puis le long du Chili jusqu'à Santiago.

- "à bord, il fait beau" -

"Le virus avait commencé sa course avant notre départ, on en parlait, mais (...) le continent sud-américain apparaissait épargné". Samedi 14 mars, après une escale à Punta Arenas au Chili, le commandant annonce la fin des réjouissances, un débarquement imminent suivi du retour à Paris.

"Mais le Chili ferme ses frontières (...) on croit pouvoir débarquer, on passe les contrôles des passeports et de la température. Niet. Départ pour Valparaiso, 3.000 km au nord" pour le plein de fuel, vivres et médicaments.

"A Paris, mes proches s'inquiètent plus que moi, ils sont témoins de la gravité croissante de la situation, notamment en Italie". Mais à bord, "il fait beau, le toit est ouvert, une certaine +sérénité crispée+" règne, poursuit l'impénitent voyageur en citant René Char.

"Dimanche 22: le commandant ordonne le confinement strict, vu le nombre croissant de déficiences respiratoires. Interdiction de sortir des cabines - certaines, intérieures, ne disposent d'aucune fenêtre : une vraie claustration. Plateaux repas déposés derrière nos portes. Le commandant émet deux annonces minimalistes par jour".

"On lit, on écoute de la musique, on regarde la télé (américaine) et les soleils levants et couchants, superbes. On se parle au téléphone, on s'inquiète, on s'emmerde".

A bord du Zaandam, quatre passagers sont morts. Panama ouvre finalement son canal pour gagner l'Atlantique. Un second navire, le Rotterdam, est envoyé à la rescousse par la compagnie Holland America avec des vivres, du personnel, des tests Covid-19 et pour y transférer les passagers sains.

"Samedi 28, début des transbordements. Après quoi, nous voguerions vers Fort Lauderdale (Floride): le bateau comme l'armateur et le plupart des passagers sont américains" note-t-il.

- "les malades, les fatigués" -

En deux jours, quelque 400 passagers passent en canot sur le Rotterdam, "sans aucun incident, sous le soleil et dans le silence. Quels critères de répartition entre les deux navires? non dit. D'évidence, les malades, les fatigués, ceux qui ont consulté l'un des médecins, restent à bord du Zaandam. Les autres dont je suis, réputés +sains+ (on a pris les températures) passent sur le Rotterdam".

L'errance reprend, la Floride refusant de les accueillir.

De nouveau, confinement strict. "On ne voit personne, les +crew members+ passent les plateaux, masqués, se tiennent loin de nous, cognent à nos portes et s'éclipsent. Le commandant du Rotterdam parle pour ne rien dire de précis (...) De prières, de solidarité entre gens de mer, de cohésion de pensée. Très peu pour moi".

Les Français tiennent autour de lui et de la directrice de croisière Vanessa Fleury dont il salue "le comportement exemplaire": "Essayez de la citer, c'est justice".

Jeudi soir, enfin la bonne nouvelle: "A L'INSTANT, SCOOP" écrit-il. "LE COMMANDANT ANNONCE QUE NOUS AVONS RECU L'AUTORISATION D'ACCOSTER A FORT LAUDERDALE! CHAMPAGNE!"

A quelques heures d'embarquer pour Paris, un doute: "Le retour à Roissy désert d'abord, à Paris vide, sera un choc... Mais nous serons sortis de cet enfermement". Une certitude aussi: "Repartir? Evidemment!"

Et un voeu, enfin: "Raison et décence gardées: on aimerait que les authentiques tragédies de la Méditerranée - mère de civilisation et cependant assassine - éveille autant de commentaires et d'agissements que notre dérive sud-américaine".

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