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Moins de dix jours avant l'annonce attendue de sa dissolution, l'organisation indépendantiste basque ETA a rendu mercredi à la justice française quatre malles d'armes et de munitions qui lui restaient encore depuis le spectaculaire désarmement qu'elle avait orchestré l'an dernier.
"Un renseignement anonyme m'a indiqué qu'une quantité d'armes appartenant à l'organisation terroriste ETA avait été déposée dans un endroit à Bayonne sud", a expliqué à l'AFP le procureur de la République de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), Samuel Vuelta Simon, confirmant des informations de médias espagnols.
Ces armes ont été aussitôt récupérées par la police et étaient en cours d'analyse, a ajouté le procureur, qui a saisi le parquet antiterroriste de Paris.
Selon une source proche de l'enquête, les policiers ont trouvé quatre malles laissées "à l'air libre en pleine ville" et contenant "une vingtaine d'armes de poing, plusieurs centaines de munitions 9 mm et 38 spécial, un cordeau détonateur de 20 mètres" ainsi que de nombreux détonateurs électroniques. Les policiers ont également récupéré quelque 200 fausses plaques d'immatriculation et du matériel pouvant servir à voler des voitures.
Le tout avait été "déposé fraîchement" dans le lieu indiqué au procureur par un "courrier anonyme" (bien: courrier), a précisé cette source.
L'ETA, née en 1959, a renoncé en octobre 2011 à la lutte armée, après 43 ans de violences au nom de l'indépendance du Pays Basque et de la Navarre.
Dans une étape majeure et spectaculaire vers la paix, ETA (Euskadi Ta Askatasuna, soit "Pays Basque et Liberté") avait livré le 8 avril 2017 aux autorités françaises une liste de huit caches d'armes dans les Pyrénées-Atlantiques, un geste savamment médiatisé par des "artisans de la paix" sur place.
"ETA s'était engagée auprès des artisans de la paix à mener des investigations pour retrouver l'armement égaré au cours de ces dernières années et qui n'était pas en leur possession le 8 avril 2017", a expliqué l'un d'eux, Jean-Noël Etcheverry dit "Txetx", interrogé par l'AFP.
"Cette procédure de restitution, qui demeure confidentielle, est en cours", a-t-il ajouté, sans plus de précision.
- Conférence cruciale le 4 mai -
L'initiative du 8 avril 2017 avait été saluée par Paris mais jugée insuffisante par l'Espagne, qui a appelé l'organisation à s'autodissoudre sans conditions.
Le 20 avril, l'ETA a pour la première fois demandé "pardon" à ses victimes, préambule nécessaire à cette dissolution unilatérale.
"Nous sommes conscients d'avoir provoqué durant cette longue période de lutte armée beaucoup de douleur et des dommages irréparables", écrivait l'organisation clandestine dans un communiqué. "Nous voulons manifester notre respect aux morts, aux blessés et aux victimes des actions de l'ETA (...) Nous le regrettons sincèrement", poursuivait-elle.
Le communiqué a toutefois pris une allure polémique en Espagne car il s'adresse aux "victimes qui n'avaient pas de participation directe au conflit", semblant de fait exclure élus, policiers, gardes civils et militaires.
Signe de l'accélération du processus de paix au Pays Basque, des médiateurs internationaux viennent d'annoncer la tenue, le 4 mai près de Bayonne, d'une "conférence internationale". Présentée comme cruciale, cette réunion devrait coïncider avec la proclamation officielle de la dissolution d'ETA, censée intervenir le premier week-end de mai via des canaux encore indéterminés, selon un des médiateurs du Groupe international de contact (GIC).
Au total, 829 morts sont imputés à l'ETA, tandis qu'au moins 62 de ses militants ont été tués par des groupes parapoliciers. ETA a aussi fait des milliers de blessés dans des attentats, en Espagne et en France, orchestré des enlèvements, racketté des chefs d'entreprise.
Cette période sombre s'est accompagnée d'exécutions extrajudiciaires et de tortures contre des membres de l'ETA et des sympathisants attribués à des commandos parapoliciers.
L'ETA compte environ 300 membres emprisonnés en France, en Espagne et au Portugal, et 85 à 100 membres en fuite selon le Forum social, organisation proche des familles de prisonniers. On ignore le nombre de clandestins.