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Philip Glass sur les traces d'un gourou indien au Carnegie Hall

Philip Glass, considéré comme le plus grand compositeur américain vivant, cite souvent l'Inde comme inspiration pour sa vision de la musique. Et pour comprendre l'Inde moderne, il se tourne vers un mystique du XIXe siècle, Ramakrishna Paramahamsa.

"La Passion de Ramakrishna", oratoire de Glass sur les derniers jours de ce très révéré gourou et présenté une première fois en 2006 en Californie, a trouvé un nouveau public lors de sa première new-yorkaise ce week-end au Carnegie Hall, en clôturant une série de concerts marquant le 80e anniversaire du compositeur.

Pour Glass, la "Passion de Ramakrishna" est, musicalement tout au moins, une oeuvre étonnamment simple et directe, avec des cuivres triomphants et un épilogue doux, réminiscence d'une autre ère de compositeurs occidentaux.

Ramakrishna, originaire de l'est du Bengale, fut épris de spiritualité très jeune avant de devenir, porté par des disciples de plus en plus nombreux, un pilier de l'Hindouisme moderne.

Il a notamment déclaré que "toutes les religions sont vraies" --une affirmation égalitaire forte dans un sous-continent indien aux multiples forces religieuses-- et honorait "une mère divine" créatrice du monde.

Dans une brève introduction devant le public du Carnegie Hall, Glass a souligné samedi que Ramakrishna avait contribué à faire "renaître l'identité indienne", à une époque où le colonialisme britannique poussait beaucoup d'Indiens à "avoir le sentiment que leur culture était inférieure".

"On peine à imaginer l'émergence de l'Inde sur la scène internationale sans l'étincelle apportée par la brillance de Ramakrishna", écrivait aussi le compositeur en introduction d'un enregistrement de son oratoire.

- Plus de 100 voix incarnent Ramakrishna -

Après la mort du gourou, la culture indienne a connu une période fertile menée par de nombreuses personnalités qu'il a influencées.

L'un de ses disciples, Swami Vivekananda, allait populariser le yoga parmi les Occidentaux. Un autre, Rabindranath Tagore, allait avec ses poèmes remporter le prix Nobel de littérature. Et Mahatma Gandhi --lui-même au centre d'un opéra de Glass, "Satyagraha"-- allait développer les principes du mouvement non-violent qui devait conduire l'Inde à l'indépendance.

Dans "La Passion de Ramakrishna", qui explore l'acceptation de la souffrance par le gourou qui se meurt d'un cancer de la gorge, certains chanteurs incarnent des personnes-clé de son existence, y compris sa femme Sarada Devi.

Mais Ramakrishna lui-même est représenté par plus de 100 voix différentes --soit la totalité de la chorale du Pacific Symphony-- des hommes comme des femmes.

Carl St.Clair, directeur musical et chef d'orchestre de la formation, a expliqué que Glass et lui avaient voulu traduire l'état d'illumination de Ramakrishna à l'approche de la mort.

"Nous avons eu presque en même temps l'idée que la voix de Ramakrishna devrait être celle du choeur, parce qu'à ce stade de la relation avec dieu, la notion de genre disparaît", a expliqué St. Clair à l'AFP.

- Rencontre marquante avec Ravi Shankar -

Glass eut une expérience marquante à Paris dans les années 1960, où il rencontra la légende indienne du sitar Ravi Shankar. Glass se mit alors à transcrire la musique de Shankar pour qu'elle puisse être suivie par des musiciens occidentaux.

Le Pacific Symphony a d'ailleurs ouvert son concert samedi avec "Meetings Along the Edge," un album de 1990 co-signé par Glass et Shankar, où se côtoient arpèges américains et ragas indiens adaptés pour cordes.

La fille du défunt maestro, Anoushka Shankar, s'est jointe au concert samedi pour jouer le Sitar Concerto No. 3, composé par son père, un jeu où sitar et ensemble occidental se donnent la réplique que Ravi Shankar lui enseigna en chantant uniquement des ragas.

Quant à "La Passion de Ramakrishna," St.Clair dit avoir été frappé au départ non par l'influence de Shankar, mais par celle du compositeur romantique autrichien Anton Bruckner.

Quand il en a parlé à Glass, le compositeur a été sidéré, selon St. Clair: il avait effectivement composé l'essentiel de l'oratoire lors d'un séjour à Linz, la ville natale de Bruckner.

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