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"Nous cherchons toujours à ne pas nous répéter": que les Sparks se rassurent, l'étincelle provoque toujours l'incendie pop avec leur dernier album, réceptacle de la magie et folie douce entretenues en 50 ans de carrière.
Confinés, les frères Mael, Ron et Russell, se plient depuis leurs domiciles respectifs de Los Angeles à une visio-interview simultanée pour leur 24e opus, "A Steady, Drip, Drip, Drip" (BMG).
Un sourire illumine leur visage quand on leur rapporte ce que la chanteuse française Catherine Ringer a dit d'eux à l'AFP: "Ce sont des amis précieux". Les Sparks et les Rita Mitsouko, c'est une rencontre-feu d'artifice dans les années 80 et un succès pour "Singing In The Shower", un des trois titres communs.
"Catherine a dit ça? Oh, vous faites notre bonheur aujourd'hui, merci", s'exclame Ron, petite moustache à la Clark Gable, devant sa bibliothèque fournie, surmontée d'une collection de baskets, dont un modèle rouge et blanc estampillé "Russia". "Catherine aura toujours une place ici", rebondit Russell, plaçant sa main sur son cœur.
"Ils sont fidèles à eux mêmes", souffle Catherine Ringer, ravie par leur dernière production, qu'elle écoute en fond sonore en répondant au téléphone. "Revenez mes chouchous!", lâche-t-elle quand un bug stoppe - brièvement - l'écoute.
- Falsetto -
Quel était le plan d'attaque de ces septuagénaires pétillants? "Nous voulions revenir à notre premier amour, la musique pop", détaille Ron, affable, loin du personnage qu'il cultive - visage figé et regard hanté - sur scène ou dans les shows télé.
"Nous cherchons toujours à ne pas nous répéter, avec l'idée que des gens peuvent nous découvrir avec cet album et qu'il doit être une bonne représentation de ce que nous sommes", développe Russell, savamment ébouriffé.
L'extravagant titre "Stravinsky's Only Hit" synthétise leur univers: une intro électro, une envolée d'opéra sous acide et un atterrissage pop. "C'est une bonne observation, s'amuse Ron. Il y a les directions et styles que nous avons emprunté dans notre carrière". Russell y dégaine notamment son falsetto. "Ah oui, ce fragment chanté (qu'il entonne alors), on l'a voulu comme un sample qui serait sorti d'un morceau inconnu du compositeur", éclaire-t-il.
"C'est une voix singulière dans le rock, haut perchée, comme celle d'un chanteur lyrique, ce qui a marqué Queen, une de leurs premières parties", salue auprès de l'AFP le rock-critique Michka Assayas.
Leur singularité comprend aussi "second degrés et côté barré", comme le décrit le chroniqueur de France Inter. Ce qui n'a pas toujours aidé sous le soleil de leur Californie natale. "On a pu se sentir à un moment comme des extra-terrestres, en un sens musical, puisque nous étions largement ignorés jusqu'à ce que nous allions en Europe", acquiesce Ron.
- Carax et Cotillard -
"A Londres, dans les années 70, ils se sont retrouvés au centre d'une hystérie collective, avec des groupies", dépeint Assayas. Et la France a toujours tenu une place à part pour ces "Européano-centrés", formule-t-il encore.
Eux qui avaient un projet de film avec Jacques Tati, jamais abouti, viennent de travailler avec un autre Français, le cinéaste Leos Carax, sur "Annette", un film-musical qui s'annonce hors-norme, "très loin des comédies musicales façon Broadway", prévient Ron. Le générique fait saliver avec Adam Driver et Marion Cotillard, qui y chantent, "très loin de leur zone de confort, ils sont formidables", se réjouit Russell, heureux également que ce film soit "presque fini".
Récemment, ils ont croisé un autre Français, le producteur électro SebastiAn, pour un morceau de son dernier disque, le délicieux "Handcuffed To A Parking Meter". "Menotté à un parcmètre", une histoire vraie? ". "Ahaha, et revoilà +Ron le pervers+, s'esclaffe ce dernier en se caricaturant à la troisième personne. J'aimerais dire que c'est vrai... C'est peut-être une chanson-souhait. Mais, après tout, la journée ne fait que commencer (rires)".