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Le second tour de la présidentielle tunisienne aura lieu le dimanche 13 octobre, a confirmé mercredi l'instance électorale (Isie), un scrutin qui se déroule dans un contexte fébrile, avec l'incarcération d'un des deux finalistes, l'homme d'affaires controversé Nabil Karoui.
L'Isie a annoncé que la campagne électorale démarrerait jeudi pour ce second tour qui opposera M. Karoui, accusé de fraude fiscale et blanchiment, à l'universitaire indépendant Kais Saied, arrivé en tête le 17 septembre (18,4%) à la surprise générale.
Mardi, la justice a rejeté une nouvelle demande de libération de l'homme d'affaires, statuant sur le fond après de précédents refus pour vice de forme.
En soirée, son porte-parole, Hatem Mliki, interrogé par l'AFP, avait appelé à ce que le second tour de la présidentielle soit suspendu tant que le candidat est en prison.
Lors d'une conférence de presse mercredi, le parti de M. Karoui, Qalb Tounes, avait mis la pression sur l'Isie.
"Ce n'est pas nous" qui organisons les élections, "à eux de s'adapter avec la situation aujourd'hui qui n'est pas normale", avait clamé Oussama Khlifi, membre du bureau de Qalb Tounes.
"L'Isie ne peut ni avancer ni reculer la date des élections, en vertu de la Constitution", a rétorqué le président de l'instance, Nabil Baffoun, lors d'une autre conférence de presse.
"Nous avons fait tous les efforts possibles pour garantir l'égalité des chances", a-t-il ajouté. "Nous avons envoyé des courriers au ministère de la Justice, au procureur général et même au juge en charge de l'affaire pour qu'ils laissent à Nabil Karoui la possibilité de s'exprimer dans les médias, voire qu'ils le libèrent".
- "Nabil Makarouna" -
Nombre de dirigeants politiques et institutionnels avaient appelé à garantir aux deux candidats le droit de faire campagne de façon équitable.
Pour les partisans de M. Karoui, cela nécessite la libération du candidat incarcéré depuis le 23 août, dix jours avant le début de la campagne pour le premier tour de la présidentielle.
Après avoir accusé le Premier ministre sortant et rival Youssef Chahed d'être derrière cette incarcération, ils ont pointé du doigt mercredi le parti d'inspiration islamiste Ennahdha, présenté comme leur principal concurrent pour les législatives de ce dimanche.
Les détracteurs de Nabil Karoui soulignent qu'il a pu faire campagne par l'intermédiaire de la chaîne de télévision qu'il a fondée, Nessma, l'une des principales chaînes privées de Tunisie, et par le biais de son association caritative Khalil Tounes, qui porte le prénom de son fils décédé il y a quelques années.
Les aides alimentaires fournies par M. Karoui ont été si largement médiatisées par Nessma qu'il est aujourd'hui surnommé "Nabil Makarouna", en référence aux pâtes qui sont distribuées.
- "Péril" -
"C'est une situation inédite", a commenté le constitutionnaliste Chafik Sarsar, ancien président de l'Isie. Un des candidats est "privé de sa liberté", mais "ce même candidat a un parti politique qui se présente avec force aux législatives, il a une chaîne de télé et une association caritative assez active", a-t-il souligné.
"Il faut assurer (...) une égalité de couverture entre les candidats, chose qui est difficile à réaliser actuellement", a-t-il souligné dans un entretien au journal La Presse.
L'incarcération d'un des deux finalistes fragilise la crédibilité de la deuxième élection présidentielle au suffrage universel de l'histoire d'un pays où la démocratie obtenue dans la rue en 2011 est encore en cours de consolidation.
Elle "met en péril tout le processus électoral: cela mine la légitimité politique", a déploré International Crisis Group (ICG), avertissant que "s'il est encore en prison après le 2 ou 3 octobre, les tribunaux pourraient annuler tout le scrutin".
Ces rebondissements font passer à l'arrière plan les législatives de dimanche, pourtant cruciales pour dessiner le paysage politique tunisien des cinq prochaines années.
Si la publication des sondages est interdite, des études circulant en privé donnent le parti de M. Karoui en tête, dans un Parlement qui serait néanmoins très fragmenté.
Les listes indépendantes pourraient bénéficier de la dynamique du premier tour de la présidentielle qui a écarté les représentants des partis au pouvoir, et propulsé à la première place Kais Saied, un néophyte en politique farouchement indépendant, dépourvu de parti et qui n'a donné aucune consigne pour ce dimanche.