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Raoul Dufy ou la baie du Havre sublimée

De sa "Fin de journée" post-impressionniste sur les quais à son "Cargo noir" post-cubiste, en passant par ses paysages balnéaires chatoyants, les bords de mer havrais influencèrent Raoul Dufy tout au long de sa carrière dans son travail sur la lumière, selon une exposition présentée au Havre jusqu'au 3 novembre.

"Le Havre, c'est pour Dufy le lieu de l'expérimentation de la lumière, un paysage intérieur qui se grave à jamais dans sa mémoire, avec d'autant plus de force qu'il remonte à son enfance", explique Annette Haudiquet, co-commissaire de l'exposition "Raoul Dufy au Havre" et directrice du musée Malraux qui accueille l'exposition.

"La lumière de la baie de Seine, je la vois où que je sois", écrira l'artiste né au Havre en 1877, mort en 1953 à Forcalquier en Provence.

Dans le musée dont les baies vitrées permettent un dialogue des tableaux avec la mer, 85 œuvres de Raoul Dufy sont présentées, dont 25 n'ont encore jamais été montrées au public. Vingt-et-un tableaux viennent de l'étranger, avant tout des États-Unis mais également d'Allemagne, de Belgique, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de Suisse, de Grèce et du Luxembourg.

Le parcours de l'exposition, présenté le 24 juin au Premier ministre russe Dmitri Medvedev par son homologue français Édouard Philippe, ex-député-maire du Havre, permet de suivre le cheminement du peintre à travers les différents courants de son époque.

Sa "Fin de journée au Havre" de 1901 avec son charbonnier au dos courbé par le labeur témoigne d'un réalisme militant mais l'ambiance crépusculaire porte la marque des impressionnistes dont Raoul Dufy s'est imprégné dans sa jeunesse. Entré à 14 ans comme préposé dans une maison d'importation de café, le futur peintre a travaillé quatre ans sur le port, tout en prenant des cours aux beaux-arts le matin et le soir.

Très vite la couleur illumine ses paysages balnéaires. Dans ses tableaux peints à l'aube du XXe siècle, la mer est émeraude, les piliers de l'estacade se teintent de violet, de vert, de bleu; personnages et parasols sont esquissés en quelques arabesques, et un vent léger se lève sur les galets.

- "Coloriste-né" -

"Dufy cherche à donner au tableau sa propre lumière par la couleur", explique Mme Haudiquet, "la couleur structure la plage".

"Si Dufy est un coloriste-né, il est aussi un paysagiste-né", ajoute la responsable des collections du musée d'Art moderne de la ville de Paris Sophie Krebs, l'autre commissaire de l'exposition.

Puis les perspectives s'écrasent. "On n'a plus ce sentiment d'espace", poursuit Mme Haudiquet.

Vers 1910, l’œuvre de Dufy est traversée par le Cézanisme avec des couleurs de terre; par le cubisme, avec des tableaux qui évoquent Georges Braque.

Mais à partir des années 30 le bleu flamboie à nouveau.

La couleur du ciel et de la mer passent par la fenêtre et envahissent la pièce dans "L'artiste et son modèle dans l'atelier du Havre" (1936). L'influence de Matisse, qui boudait Dufy, est nette.

"Le bleu avec ses diverses nuances, de la plus foncée à la plus claire, ce sera toujours le bleu", contrairement aux autres couleurs, soulignera le Havrais.

A la fin de sa vie, Dufy "pousse sa recherche sur la lumière à l'extrême. La lumière c'est la couleur noir qui succède à l'éblouissement lorsque l'on regarde le soleil en face", poursuit Mme Haudiquet. Installé dans le midi "pour raison de santé", il peint "en pensant au Havre", une série de cargos, sur une mer bleu foncé ou noire.

Ces vaisseaux fantomatiques peints entre 1948 et 1952 traduisent peut-être également le pressentiment d'une mort prochaine.

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