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Restaurer Notre-Dame: le temps long des artisans Compagnons

Pour les Compagnons du Tour de France, artisans d'élite héritiers des bâtisseurs du Moyen-Âge, la restauration de Notre-Dame de Paris impose réflexion et précision. Pour eux, le temps des cathédrales est incompatible avec les agendas politiques.

Le délai de cinq ans pour reconstruire, promis par Emmanuel Macron face aux foules endeuillées dès le lendemain de l'incendie qui a détruit lundi la toiture et endommagé les voutes, est exactement celui qu'un jeune charpentier, verrier, serrurier, couvreur ou menuisier consacre à son Tour de France pour parfaire sa formation auprès de ses maîtres, passant de ville en ville.

Une tradition qui remonte au Moyen-Age, héritée des corporations des douzièmes et treizièmes siècles, quand les artisans se formaient sur les chantiers des cathédrales et changeaient régulièrement de région, tous les neuf mois environ, pour se frotter aux différentes techniques de construction, rappelle Patrice Bernard, délégué général de la Fédération du Compagnonnage.

Aujourd'hui encore le Compagnonnage, qui a fait son entrée en 2010 au Patrimoine culturel immatériel de l'Unesco, concerne près de 45.000 personnes.

- Intimité -

"Travailler, progresser, s'entraider... cette démarche là, on ne l'a pas perdue", sourit M. Bernard. Et cet héritage crée une forme d'intimité avec Notre-Dame.

Il s'étonne en revanche de la précipitation avec laquelle chacun vient donner son avis, suggérer des techniques et des échéances. "La priorité est déjà d'évaluer précisément les dégâts", indiquait-il jeudi. "L'eau tout autant que le feu ont créé des dommages aux pierres, aux joints qu'il faut examiner précisément, on n'est pas à l'abri de mauvaises surprises".

Le sinistre a pourtant provoqué une émotion intense parmi les Compagnons: "Lundi soir, mon téléphone n'a pas arrêté de sonner, j'ai reçu des quantités de sms, de mails de compagnons, comment peut-on aider, que peut-on faire ?"

"Mais il faut attendre, prendre le temps d'examiner l'état de la superstructure du monument, laisser le temps aux experts avant de décider dans quel sens on va".

Jean-Luc Rouyer, président de l'Union Compagnonnique, autre organisation des Compagnons - elles sont trois avec l'Association ouvrière des Compagnons du Devoir - raconte son "immense désolation, suivie d'un sentiment d'incrédulité, puis d'un découragement face à la puissance des lances à eau et enfin, d'un vrai chagrin" à la vue du sinistre.

Mais il fait part aussi, d'une voix encore troublée, de son "émerveillement" lors de sa visite l'an dernier de la "forêt" de Notre-Dame, 1.500 chênes de 800 ans, assemblés en poutres massives pour former la charpente de l'édifice, portant la marque des Compagnons.

- "S'effacer et respecter" -

"Il faut rester humble devant ce travail, s'effacer et le respecter", estime-t-il. "Le gros travail, c'est la charpente et la couverture et comment on va consolider la structure". "Cinq ans, c'est vraiment un objectif ambitieux alors que rien n'est défini".

Pour lui, la main d'œuvre qualifiée est disponible notamment en charpente - "une équipe, c'est un chef et ses manoeuvres, la question est plutôt de savoir comment on l'emploiera", sur quel type de projet.

"Il faudrait se poser un peu", résume Jonathan Proudowsky, 30 ans, qui achève son tour de France de charpentier. "Tout le monde parle sans savoir, on est dans l'affect... Chacun dit n'importe quoi".

Il avait demandé une autorisation et aurait dû visiter la "forêt" de Notre-Dame en mai, mais refuse de céder à l'émotion pour autant.

"On a des formations performantes, on a les compétences. Mais il faut arrêter de croire qu'on peut reconstruire en cinq ans alors qu'il faut 50 ans pour faire sécher un chêne... Même si on fait du lamellé-collé - technique consistant à assembler des planches de 27 mm jusqu'à obtenir l'épaisseur voulue, ndlr - il y a un énorme travail en amont. Tout déblayer, ce qui a brûlé, ce qui est tombé, araser les murs endommagés... On est sur un édifice qui a une histoire, on ne peut pas faire n'importe quoi".

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