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Six ans après le scandale de la viande de cheval vendue comme du boeuf en Europe, deux anciens dirigeants de l'entreprise française Spanghero et deux négociants néerlandais ont été condamnés mardi à Paris pour une succession de "tromperies" entre les Pays-Bas et la France.
Les faits commis par ces quatre hommes "ont durablement déstabilisé les filières viande et plats cuisinés en France et ont eu des conséquences sur la réglementation française mais aussi européenne", a observé le tribunal correctionnel dans son jugement, consulté par l'AFP.
Ils constituent une négation des "principes de confiance et de loyauté", fondamentaux s'agissant d'alimentation, ont insisté les juges.
Le scandale, qui avait éclaté au Royaume-Uni début 2013 et s'était propagé à toute l'Europe, n'avait eu aucune conséquence sanitaire mais avait abouti à une grave crise de confiance des consommateurs.
Dans le volet "Spanghero", le principal, deux ex-dirigeants de l'entreprise et deux intermédiaires néerlandais étaient poursuivis pour avoir trompé le fabricant de plats cuisinés Tavola -et les consommateurs- en lui vendant entre 2012 et début 2013 plus de 500 tonnes de cheval présenté comme du boeuf, plus cher.
Des marques comme Findus et Picard avaient ainsi découvert que leurs lasagnes, hachis parmentiers et autres moussakas "pur boeuf" contenaient, pour des milliers d'entre eux, du cheval.
A l'époque, Spanghero, société de transformation de viandes implantée à Castelnaudary (Aude), commandait de la viande congelée à un négociant néerlandais, Johannes Fasen, spécialiste du cheval.
La marchandise, roumaine ou canadienne, passait par les entrepôts néerlandais de son bras droit Hendricus Windmeijer, où les étiquettes perdaient toute référence à l'espèce "cheval", sauf un code douanier.
Arrivée chez Spanghero, elle était étiquetée comme européenne et transformée sur place, puis réexpédiée vers Tavola, au Luxembourg, étiquetée comme du boeuf.
- Viande de mouton -
Lors du procès, en janvier et février, les prévenus s'étaient rejeté la faute.
L'ancien directeur général de Spanghero, Jacques Poujol, avait assuré qu'il ne savait pas que Johannes Fasen lui vendait du cheval, concédant seulement des "négligences" sur l'étiquetage. Le Néerlandais avait rétorqué qu'il lui avait vendu du cheval en toute transparence.
Pour tromperies sur l'origine et l'espèce de la viande, les juges ont condamné Jacques Poujol à deux ans de prison, dont 18 mois avec sursis. Ils ont également ordonné la confiscation de 100.000 des quelque 800.000 euros saisis et lui ont interdit d'exercer dans la viande pendant deux ans.
Le tribunal a considéré que M. Poujol, qui a déjà passé quatre mois en détention provisoire, savait qu'il recevait du cheval. En l'absence de ses avocats au délibéré, il n'a pas souhaiter s'exprimer.
Son ancien bras droit, l'ancien directeur de l'usine Patrice Monguillon, a été condamné à un an de prison avec sursis pour une tromperie liée à l'"origine française ou étrangère" du cheval vendu à Tavola. Mais les juges ont estimé que rien ne permet d'établir qu'il savait qu'il s'agissait de viande chevaline.
Le négociant Johannes Fasen, déjà condamné aux Pays-Bas dans une affaire similaire et menacé par deux autres procédures concernant également la viande de cheval, a été condamné à deux ans de prison pour tromperies, assortis d'un mandat d'arrêt. Il lui est définitivement interdit d'exercer dans la viande en France.
Hendricus Windmeijer a lui été condamné à un an de prison avec sursis pour les mêmes tromperies.
Le parquet avait requis des peines plus lourdes.
Les prévenus ont également été condamnés à publier cette décision dans plusieurs journaux et à payer des milliers d'euros de dommages et intérêts aux différentes parties civiles, fabricants ou distributeurs de plats préparés notamment.
Les Français et Johannes Fasen ont aussi été condamnés pour l'importation de 65 tonnes de viande de mouton séparée mécaniquement, méthode interdite depuis la crise de la vache folle. Et les deux Français pour altération de preuves.
Les quatre prévenus ont en revanche été relaxés des poursuites pour escroquerie en bande organisée. Jugeant les poursuites pour escroquerie redondantes avec celles pour "tromperie", le tribunal ne s'est donc pas prononcé sur une éventuelle "bande organisée".