Accueil Actu Sciences & Découvertes

La tête dans les étoiles: "800 familles en Belgique bénéficient d'un salaire spatial, c'est énorme"

Dans cet épisode de "La tête dans les étoiles", Luc Gilson et son invité Pierre-Emmanuel Polis évoquent l’histoire de la Belgique dans l’espace. Elle commence avec Tintin. Le personnage inventé par Hergé était le premier Belge sur la Lune, bien avant Neil Armstrong. Mais plus sérieusement, c'est vrai que l'implication belge dans le domaine spatial et la conquête spatiale est loin d’être récente.

"Elle ne date pas d'hier, quand les États-Unis et la Russie, pionniers dans la conquête spatiale, se sont lancés dans l'aventure, l'Europe ne pouvait pas rester évidemment au sol. Au départ, trois pays, la France, l'Angleterre et l'Allemagne, ont essayé de trouver un accord pour fabriquer un lanceur. Mais ça n'a pas fonctionné. D’Europa, ils sont passés à Europa 2. Cela n'a pas marché et on a arrêté les frais. Des négociations ont été très longues pour concevoir une agence spatiale européenne, regroupant évidemment les premiers pays qui ont été tentés par l'aventure", explique Pierre-Emmanuel Polis. 

Création de l’agence spatiale européenne à Bruxelles 

"Alors, ça a été très compliqué. Il y a eu une dernière réunion, de la dernière chance donc, un dernier compromis a pu été trouvé à l'initiative d'un ministre belge. Et c'est ici, en Belgique, au palais d'Egmont à Bruxelles, qu'a été décidé, mais vraiment en dernier recours, la création de l'agence spatiale européenne", ajoute l’instructeur à l'Euro Space Center. 

Le fameux compromis à la belge. Cette agence spatiale européenne, l'ESA, on y contribue encore aujourd'hui. En fait, le principe est très simple. Les pays versent une contribution financière à l'agence et, en échange, certaines entreprises de ces pays reçoivent des contrats dans le domaine spatial.

"En ce qui concerne la Belgique, c'est 205 millions d'euros par an versés à l'agence spatiale européenne. Ce qui correspond à environ deux euros par Belge versés à l'ESA. On estime qu'un euro investi dans la conquête spatiale en ramène cinq sur Terre. C'est donc un investissement, une économie et cela permet d'avoir des contrats de haute technologie dont bénéficient des sociétés belges, des laboratoires, des universités", indique Pierre-Emmanuel Polis.

Nous avons un savoir-faire en la matière qui est "énorme et c'est reconnu au niveau de l'Europe entière. Il y a toujours maintenant de l'Europe et du belge dans tous les projets".

On fabrique quoi ? Des parties de fusées ?

"Comme pour Ariane 5, on a fabriqué des pièces. Les centres, les pôles spatiaux belges sont surtout concentrés en Wallonie : à Liège, à Charleroi, à Mons. Mais il y a également Anvers, Mol et Bruxelles bien sûr. Donc, tout ça, ce sont des retombées pour le local, chez nous".

Luc Gilson souligne l’importance de ces retombées économiques pour notre pays. Il y a également l'aspect scientifique qui est crucial pour la communauté scientifique en Belgique.

"Cela permet de maintenir chez nous les hautes têtes scientifiques, les chercheurs, les scientifiques de très haut niveau qui ne s'expatrient pas, qui restent chez nous. Et ça fait vivre évidemment leurs familles et tout leur environnement. Il y a plus de 800 familles en Belgique qui bénéficient d'un salaire spatial. C'est énorme", révèle le spécialiste.

Dirk Frimout, le premier astronaute belge dans l’espace 

Parallèlement, il y a les astronautes. Forcément, quand un pays est contributeur à l'agence spatiale européenne, il a le droit aussi d'avoir des astronautes de sa nationalité dans l'espace. Et le tout premier, tout le monde s'en souvient. On est en 1992, il s'appelle Dirk Frimout. Il ne va pas voler pour l'agence spatiale européenne, mais pour la NASA, l’agence spatiale américaine. 

"La NASA avait préparé un projet de trois vols dédiés à l'étude des hautes couches de l'atmosphère. Et Dirk Frimout a saisi cette occasion-là parce que c'est sa spécialité. Il étudie la haute atmosphère. C'est comme ça qu'il a été sélectionné. Il a eu beaucoup de chance parce qu'il a remplacé un astronaute américain tombé malade. Il a pu prendre sa place. La NASA lui a proposé cette place à bord de l'équipage de la navette Atlantis. C'était en mars 1992", raconte l'instructeur à l'Euro Space Center.

Et c'était un premier astronaute belge très symbolique parce que tout le monde se souvient de son visage. Il avait un petit peu les traits du professeur Tournesol, ce qui l'a rendu très populaire.

"Il est toujours connu aujourd’hui. Il va dans des écoles, il rencontre des gens et les gens sont toujours extrêmement fiers de le rencontrer, de lui serrer la main. Il a toujours ce côté très sympathique. Il dirige une association qui s'appelle Eurospace Society, qui promeut l'espace et les sciences en Belgique".

Frank De Winne, le premier Européen à commander l’ISS 

Il va falloir attendre dix ans avant le deuxième astronaute belge dans l'espace, un certain Frank De Winne. Et lui, pour le coup, il va travailler pour l'agence spatiale européenne.
"Le contexte a un peu changé. L'agence spatiale européenne, qui désire recruter des nouveaux astronautes, va demander aux pays membres de sélectionner chacun cinq candidats. La Belgique va donc procéder elle-même à cette sélection et proposer cinq personnes, dont Frank De Winne", explique Pierre-Emmanuel Polis. 

Et il va voler deux fois. La première fois, en 2002, c'est un séjour plus ou moins court : "C'est ce qu'on appelle un vol taxi, c'est-à-dire qu'il a monté en tant qu'ingénieur de bord. Il est pilote de chasse, il est pilote d'essai, donc on va servir de ces talents-là pour tester un nouveau type de vaisseau Soyouz. Il va voler avec les Russes, on l'appelle un TMA, et donc c'est un vol taxi qui va durer dix jours. On n'est pas encore dans les séjours de longue durée comme maintenant".

Il va ensuite devenir commandant de bord de la station spatiale internationale : "Ça, c'est tout à fait nouveau. C'est la première fois qu'un Européen va prendre les commandes de l'ISS".

C'est aussi Franck de Winne qui, une fois revenu sur Terre, et c'est le cas encore aujourd'hui, est le patron des astronautes européens. "Il est monté en grade, il est basé à Cologne, il est le chef de l'European Astronaut Center, patron des astronautes européens et responsable des activités européennes à bord de l'ISS".

Le petit dernier, Raphaël Liégeois

Et puis, il y a le petit dernier. Celui qui va encore voler, c'est Raphaël Liégeois. Lui aussi a été sélectionné par l'agence spatiale européenne. "Ce n'est pas la Belgique qui l'a sélectionné, c'est l'ESA qui a lancé un recrutement. 25.000 candidats, 5 sélectionnés, plus quelques astronautes de réserve également. Et Raphaël fait partie des 5 heureux élus. Il sera diplômé avec ses 4 collègues au mois d'avril et vraisemblablement, en même temps, on va annoncer lequel des 5 sera le premier à rejoindre l'ISS, la station spatiale internationale".

On peut l'imaginer un jour sur la Lune ? "On peut espérer puisque l'Europe participe au programme Artemis et donc, évidemment, en échange, il y aura un astronaute européen sur un vol Artemis, mais probablement d'abord de l'ancienne génération". Comme Thomas Pesquet, par exemple. "Mais il n'y a pas que Thomas, il y a aussi les Allemands, les Italiens. Ils ont leur mot à dire, bien sûr". 

À lire aussi

Sélectionné pour vous