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Serge Joncour, avec "Nature humaine", a remporté lundi le prix Femina du roman français, alors que la plupart des autres récompenses littéraires ont reporté leur édition en attendant la réouverture des librairies.
Avec "Nature humaine" (Flammarion), Serge Joncour, 58 ans, signe un grand roman rural qui dépeint les mutations de la France à la fin du XXe siècle, à travers le destin d'une famille d'agriculteurs du Sud-Ouest.
Sa vision de l'époque est désabusée, le monde allant de catastrophe en catastrophe (la sécheresse de 1976, Tchernobyl, la tempête de décembre 1999), et cédant à la rationalité économique la plus froide. "Maintenant que le mur de Berlin était tombé, le libéralisme restait le seul modèle valablement organisé et achalandé, le seul schéma de civilisation offrant ce qu'il faut de succursales et de points de vente un peu partout dans le monde, un monde, un monde où toute marchandise était commercialisable à l'infini", écrit-il.
Le prix Femina du roman étranger est allé à la Britannique d'origine sud-africaine Deborah Levy, pour son diptyque autobiographique, "Le Coût de la vie" et "Ce que je ne veux pas savoir" (Editions du Sous-Sol). Cette romancière de 61 ans, peu connue en France, y raconte ses années de formation, et sa trajectoire de mère, épouse et écrivain.
Christophe Granger, pour "Joseph Kabris ou les possibilités d'une vie" (Anamosa), remporte le prix de l'essai. L'historien et sociologue mène une réflexion sur la biographie et le destin à partir de la vie de Kabris (1780-1822), personnage extraordinaire, un matelot aventureux qui quitta son navire pour vivre aux Marquises, puis embarqua pour l'Extrême-Orient russe et traversa la Russie, rentra en France où il mourut dans la misère.
Enfin, un "Prix spécial du jury" a été décerné au Libanais Charif Majdalani, pour "Beyrouth 2020" (Actes Sud). Son "journal d'un effondrement" est une chronique d'une capitale riche en histoire mais confrontée à de terribles difficultés au présent, jusqu'à l'explosion d'un immense stock de nitrate d'ammonium le 4 août.
Le jury exclusivement féminin s'est distingué d'autres, tels que ceux du Goncourt ou de l'Interallié, qui attendront la réouverture des librairies, touchées par l'interdiction frappant les commerces "non essentiels".
"Dans le contexte actuel, durablement installé, le silence est la pire des choses pour la vie culturelle menacée, en particulier pour la littérature. Par conséquent, nous choisissons de soutenir, par les moyens qui sont les nôtres, les libraires qui s'organisent et résistent en tous lieux", ont écrit dans un communiqué commun les jury du Femina et du Médicis.
Les prix Médicis (du roman français, du roman étranger et de l'essai) doivent être décernés vendredi.