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Quatre ans après la signature de l'accord de Paris sur le climat, un hic demeure: les Etats n'arrivent pas à s'entendre pour éviter une astuce comptable qui permettrait à certaines réductions d'émissions de gaz à effet de serre de compter doubles.
Certes, le plus grand problème reste politique, à savoir que les engagements des pays restent insuffisants pour inverser la courbe des émissions. Mais les experts soulignent que la comptabilité même de ces engagements risque d'être défaillante si une solution n'est pas trouvée.
Imaginez une éolienne construite en Inde et qui permet de réduire les émissions de carbone d'une tonne par an. A partir de 2020, un pays comme l'Allemagne pourra théoriquement acheter cette tonne de CO2 sous forme d'un crédit, afin que cette réduction d'une tonne soit inscrite au bilan carbone allemand... et non au bilan indien.
Mais des Etats, conduits par le Brésil, arguent que la réduction devrait rester au bilan indien tout en étant créditée chez les Allemands. Ce qui voudrait dire que l'éolienne serait comptée deux fois: pour l'Allemagne et pour l'Inde. Ce double comptage donnerait l'impression que les émissions baissent plus vite que la réalité.
"C'est une position vraiment étrange, la plupart des Etats ne la soutiennent pas", dit Lambert Schneider, chercheur à l'Oeko-Institut à Berlin, coauteur d'un article sur le sujet dans Science jeudi.
La nécessité d'éviter ce double comptage est inscrite noir sur blanc dans l'article 6 de l'accord, mais la finalisation du "mode d'emploi" de cette partie a échoué en Pologne l'an dernier, et l'affaire doit de nouveau être débattue à la 25e "conférence des parties" (COP25), en décembre à Santiago du Chili.
"C'est le dernier grand problème à résoudre pour opérationnaliser l'accord de Paris", explique Lambert Schneider à l'AFP.
"Le risque est que les engagements sur papier ne correspondent pas à ce que l'atmosphère verra".
Le problème est similaire pour l'aviation. Les compagnies aériennes sont exemptes de l'accord de Paris car historiquement, les Etats n'ont jamais su s'entendre sur la façon de répartir leurs émissions par pays (par nationalités des passagers? par aéroports de départ? de destination?).
Mais le secteur s'est engagé en 2016, sous l'égide de l'Organisation de l'aviation civile internationale, à compenser toutes émissions futures dépassant le niveau de 2020.
Les compagnies aériennes vont donc devoir acheter des milliards de tonnes de crédits carbone aux pays vendeurs. Là encore, il faudrait éviter un double comptage.
Si l'aviation était un pays, elle serait juste derrière l'Allemagne; ce n'est donc pas négligeable. Mais cette fois, c'est un groupe de pays menés par l'Arabie saoudite qui bloque.