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Une nouvelle ère politique s'ouvre en Malaisie

Les espoirs de changements en Malaisie après la victoire historique de l'opposition aux législatives reposent sur la capacité du triomphant Mahathir Mohamad, ex-autocrate de 92 ans mué en progressiste, à résoudre les divisions de ce pays d'Asie du Sud-Est multiethnique.

Critiqué pour son autoritarisme du temps où il était Premier ministre (1981-2003), Mahathir a réussi son retour sur le devant de la scène politique en prenant la tête de la coalition d'opposition, le Pacte de l'Espoir, qui a défait mercredi aux législatives l'Organisation nationale des Malais unis (UMNO), au pouvoir depuis l'indépendance de l'ex-colonie britannique en 1957.

"Le tsunami du peuple", titre jeudi en une le quotidien de langue malaise Sinar Harian.

"Le travail difficile commence maintenant", prévient dans un éditorial l'influent site internet politique Malaysiakini.com, qui met en exergue les défis à relever.

"Personne ne doit se faire d'illusion sur le fait qu'un nouveau gouvernement va renverser une situation qui a pris racine depuis des décennies. Dans un pays aussi divisé, il faudrait du temps pour guérir les blessures et rétablir la confiance des Malaisiens entre eux", souligne Malaysiakini.

Cette nation multiethnique dominée par les Malais et composée de minorités, notamment chinoise et indienne, est déchirée par des tensions exacerbées sous le règne du Premier ministre défait, Najib Razak, et l'énorme scandale de détournements au détriment du fonds souverain 1MDB crée par ce dernier à son arrivée au pouvoir en 2009.

L'avenir dépend beaucoup de Mahathir, qualifié par certains de père de la Malaisie moderne mais critiqué par d'autres pour avoir jeté en prison des opposants au cours de son règne et favorisé la majorité des Malais ethniques au détriment des minorités chinoise et indienne.

Il y a quelques années, Mahathir a commencé à critiquer Najib, son ex-protégé, qui ne réussissait pas selon lui le processus de libéralisation politique, risquant ainsi de mener le pays au chaos. Les espoirs de réformes ont par la suite été réduits à néant quand Najib, empêtré dans un scandale de détournements au détriment du fonds souverain 1MDB, a fait adopter des lois sécuritaires visant à faire taire les critiques le visant, selon ses détracteurs.

- Lourde tâche -

Toujours opportuniste, Mahathir s'en prend désormais au système qu'il a aidé à créer et promet des réformes telles la limitation de la durée des mandats politiques et la suppression de l'impopulaire taxe sur la valeur ajoutée créée par Najib.

La nouvelle administration aura la lourde tâche de prendre le contrôle d'une bureaucratie formatée par l'UMNO, où les Malais ethniques majoritaires bénéficient depuis longtemps de privilèges comme la préférence pour les emplois publics.

Mahathir, qui fut un architecte-clé de ce système pendant son règne, se retrouve maintenant au sein d'une coalition composée de minorités impatientes de voir des changements.

Pendant la campagne électorale, Mahathir a promis de céder, en cas de victoire, la place de Premier ministre à l'ex-dirigeant de l'opposition Anwar Ibrahim, son ex-bras droit qu'il avait limogé en 1998 en raison de divergences politiques. Anwar a ensuite été emprisonné pour sodomie et corruption, puis condamné une seconde fois pour sodomie sous Najib. Agé de 70 ans, il doit sortir de prison en juin.

Le frère de Najib Razak, un important banquier du pays, a dit espérer une transition en douceur du pouvoir: "cela va dépendre comment le nouveau gouvernement va calmer les marchés et comment il va mettre en place son programme".

L'avenir de Najib est quant à lui incertain. Mahahtir a promis de le faire traduire en justice pour son implication présumée dans le scandale 1MDB, qui fait l'objet d'enquêtes judiciaires en Suisse, à Singapour et aux Etats-Unis.

Les investigations en Malaisie sur cette affaire "vont probablement reprendre, et il est important que cela se fasse de manière équitable et judicieuse", a déclaré l'analyste politique Bridget Welsh à la télévision Bloomberg.

Du tact est sans doute nécessaire pour résoudre "des problèmes systémiques de corruption et de kleptocratie", a-t-elle ajouté.

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