Partager:
"Adapter, ce n'est pas illustrer". Pour porter à l'écran "Vernon Subutex", la saga à succès de Virginie Despentes, il a fallu faire des choix, trouver un Vernon parlant à toute une génération et composer une bande-son à l'esprit rock.
A partir du 8 avril sur Canal+ et dès vendredi en ouverture du festival Canneseries, la série est une des plus attendues du moment.
Radiographie sociale, portrait d'une génération nourrie au rock, et d'une ville - Paris - marquée par l'exclusion sociale, la dèche et bientôt des attentats, la saga "Vernon Subutex" (trois volumes parus entre 2015-2017) s'est écoulée à plus de 320.000 exemplaires en France.
Pour incarner Vernon, le disquaire à la rue mais néanmoins charismatique, la réalisatrice Cathy Verney (la série "Hard") a immédiatement pensé à Romain Duris, découvert dans "Le péril jeune" (1994).
Il "fait partie de notre mémoire collective", rappelle-t-elle. "Il est là depuis 25 ans. Le choisir c'est déjà raconter une époque".
S'il ne ressemble pas physiquement au Vernon du roman (qu'il n'avait pas lu) et aime plutôt le funk que le rock, l'acteur de 44 ans s'est fondu sans mal dans ce rôle, en endossant un blouson de cuir et en se laissant vieillir à l'écran.
La musique a également été d'une aide précieuse: "Je lui ai fait écouter pleins de trucs, regarder des documentaires sur Nirvana", se souvient Cathy Verney, qui a pensé à une adaptation aussitôt après avoir lu le premier des trois romans.
Pour ce, il a fallu laisser de côté la narration polyphonique du roman et faire des choix dans la galerie de personnages: si Anaïs, l'ingénue, et la Hyène, une cyberdétective lesbienne, sans foi ni loi, incarnée par Céline Salette, ont des rôles de premier plan dans la série, le personnage de Patrice, qui bat sa femme dans le roman, n'a pas trouvé de traduction à l'écran.
- Sans Virginie Despentes -
Ce travail d'adaptation des deux premiers romans - qui constituent la trame de la série - s'est fait sans Virginie Despentes. La romancière a donné carte blanche au projet mais s'est tenue complètement à l'écart.
Au final, une douzaine de personnages gravitent autour de Vernon dans les neuf épisodes de 30 minutes. Parmi eux, Xavier (Philippe Rebbot), l'ancien de la bande embourgeoisé, Sylvie (Florence Thomassin), le fantasme de jeunesse de Vernon revenue de la drogue, Dopalet (Laurent Lucas), le dangereux producteur de cinéma ou sa jeune recrue Anaïs (la chanteuse Fishbach dans son premier rôle).
Comme dans le roman, ils vont se lancer sur les traces de l'ancien disquaire de "Revolver", qui détient sur cassettes vidéo les confessions (explosives ?) d'une star de la chanson: Alex Bleach, mort d'une overdose.
Perdues, ces cassettes vont devenir le fil rouge de la série, permettant aux protagonistes de se retrouver puis de se reconnecter avec leur passé et la musique, élément central de la série.
Signe de son importance, le budget consacré à la musique est "sept fois plus important que celui d'une série traditionnelle", avec des titres de Sonic Youth, Poni Hoax, Daniel Darc, les Thugs, New Order ou encore Jesus and Mary Chain.
La bande-son a été pensée à la fois en "évitant l'effet catalogue et l'aspect nostalgie", souligne Fabrice de la Patellière, directeur de la fiction chez Canal+. L'autre enjeu était de s'affranchir des morceaux cités dans le livre et de faire le distinguo entre la musique de la série de celle qu'écoute le personnage de Vernon Subutex, souvent le casque vissé aux oreilles.
Ancrée dans la réalité parisienne et filmée en décors naturels, la série suit fidèlement la géographie du roman, de Belleville aux beaux quartiers en passant par le parc des Buttes-Chaumont et la butte Bergeyre.
Seule exception: les rails de la Petite ceinture, cette ancienne voie ferrée traversant le parc, n'ont pu être filmés, faute d'autorisation.