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Cela faisait quatre ans que Didier était salarié dans son entreprise quand il a été victime d'un accident de travail. Avec une épaule lourdement fracturée, il est désormais incapable de lever un bras et ne peut toujours pas travailler. Malgré de bonnes relations avec son entreprise, celui-ci vient d'être licencié. Son employeur en avait-il le droit? Il a appuyé sur le bouton orange Alertez-nous.
Didier se souviendra longtemps de ce jour de janvier 2023. Ce jour-là, il quitte son travail et rentre chez lui à vélo, comme il en a l'habitude depuis quatre ans déjà. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Sur la route, Didier est victime d'un accident et se retrouve avec "plus de sept fractures de l'épaule" et dans "l'impossibilité de lever le bras droit". Des broches lui sont posées. Et si une revalidation est en cours, quasiment un an plus tard, Didier n'est toujours pas retourné à son poste. Tout comme environ 500.000 Belges, Didier est donc en arrêt de longue durée.
Les conséquences de cet accident de travail, jamais il ne s'en serait douté. Lui qui assure avoir une "relation cordiale" avec son employeur, s'est régulièrement rendu sur son lieu de travail tout au long de sa convalescence, pour venir aux nouvelles. "Chaque fois que je me rendais à l'hôpital, je passais pour me rassurer, tout se passait très bien, il n'y avait aucun problème", raconte-t-il. "J'étais persuadé de retrouver ma place après ma future opération au mois de janvier."
Cette confiance s'est brisée mi-décembre, quand le département des Ressources humaines l'a contacté. "On m'a annoncé qu'on mettait fin à mon contrat le jour même." Le choc. "Le motif officiel est que je ne conviens plus à ma fonction, mais oralement, ils disent qu'ils n'ont pas les moyens de me garder et de payer deux salariés puisqu'une personne me remplace..."
Aujourd'hui, après des mois de bataille contre les maux de son corps, Didier a "un souci supplémentaire": "Qu'est-ce que je vais faire après?", s'interroge-t-il, inquiet. "Je n'en ai aucune idée et je ne sais pas quel genre de boulot je pourrais faire. Il faut repartir à zéro."
Une épreuve douloureuse à laquelle s'ajoute une question: son entreprise avait-elle le droit de le licencier pendant son arrêt de travail?
"L'employeur doit pouvoir justifier le licenciement"
Pour Thomas Lecomte, avocat spécialisé en droit du travail, l'employeur de Didier n'a pas enfreint la loi. "Oui, un employeur peut licencier un travailleur en maladie", explique-t-il à l'équipe de RTL info. "La maladie n'empêche pas le licenciement mais le motif du licenciement est important", nuance-t-il. En effet: si la maladie du travailleur est le motif du licenciement, ce motif est alors discriminatoire, et cela peut être sujet à une poursuite judiciaire.
En revanche, si l'employeur licencie un travailleur indirectement en raison de son état de santé, il doit pouvoir prouver pourquoi cette mesure a été prise. "Par exemple, on peut avoir le licenciement d'un travailleur en incapacité de travail pour des motifs de réorganisation. À savoir: le travailleur n'est pas là et l'employeur doit le remplacer et doit avoir recours à de l'intérim, des contrats de remplacements, ce qui représente des charges trop importantes pour l'employeur", détaille l'avocat spécialisé. Cet exemple est le cas de notre alerteur. L'employeur doit néanmoins pouvoir "justifier ce licenciement" et "prouver la désorganisation" de l'entreprise.
Cependant, si un licenciement discriminatoire est constaté, la loi prévoit "une réparation du préjudice subi" sans prévoir de réintégration dans l'entreprise. "Autrement dit, le travailleur licencié ne récupère pas son emploi mais aura une indemnisation pour discrimination, réclamée devant le tribunal du travail", précise Thomas Lecomte.
Autrement dit, comme pour tous les autres recours pour contester un licenciement (licenciement abusif, par exemple, dont la décision finale sera tranchée par un juge), c'est devant la justice que l'affaire se réglera. La justice peut donner raison à l'employeur ou, si elle lui donne tort, décider des indemnités à verser au travailleur licencié, qui seront soit l'équivalent de 6 mois de salaire ou soit le montant estimé du préjudice subi.
Un trajet de réintégration possible?
Dans le cas d'un salarié en incapacité de travail, un trajet de réintégration dans l'entreprise peut être demandé (tout de suite) par l'employé ou (au bout de trois mois) par l'employeur. Cette procédure est mise en place avec la médecine du travail après un diagnostic de la situation: l'employé pourra (ou non) réintégrer un travail adapté ou un autre travail au sein de l'entreprise. Mais attention, ce n'est pas obligatoire. La loi n'impose pas ce trajet de réintégration qui dépend donc de la volonté des parties.
La force majeure médicale, un autre cas de figure
Il y existe également ce qui est appelé juridiquement "la force majeure médicale", et celle-ci concerne uniquement les travailleurs du secteur privé. Thomas Lecomte explique: "Après 9 mois d'incapacité, l'employeur et le travailleur peuvent adresser une demande auprès du médecin de travail afin d'analyser la situation médicale du travailleur et de vérifier si le travailleur est définitivement, ou non, dans l'incapacité d'exercer son travail". La conséquence de cette procédure est la rupture du contrat de travail. "Ce n'est ni une démission ni un licenciement", souligne l'avocat spécialisé en droit du travail. "Il n'y a pas de préavis ni d'indemnités de licenciement."