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"L'anorexie était ma meilleure amie": Satine, bientôt 18 ans, raconte son combat contre l’anorexie, puis la boulimie

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Les professionnels de la santé tirent la sonnette d’alarme : les troubles du comportement alimentaire sont en hausse et touchent principalement les jeunes, de plus en plus tôt. La période du covid a été un facteur déclencheur de cette augmenttaion. En 2018, 7% de la population belge était touchée par des troubles alimentaires. Aujourd’hui, 18% des 18-29 ans présentent des symptômes.

Les troubles du comportement alimentaire (TCA) sont en hausse : anorexie, boulimie ou encore hyperphagie, touchent principalement les jeunes, et ce, de plus en plus tôt. Satine, bientôt 18 ans, a développé une anorexie pendant la période du covid. Elle nous raconte son long combat contre cette maladie, et puis contre la boulimie. Un témoignage bouleversant. 

Une prise de poids pendant le covid, un régime, et… l’anorexie 

Nous sommes en 2020. Le covid frappe le monde, et les villes des quatre coins du globe décident de mettre en place un confinement strict. Vient alors une période d’isolement, que certains vivent mal. 

A l’époque, Satine est âgée de 15 ans. Pendant le confinement, elle prend du poids, explique-t-elle: "Je l’ai très mal vécu". En décembre 2020, elle décide alors d’entamer des régimes, elle supprime les aliments trop sucrés et se met même à essayer le jeûne intermittent. Et là, c’est le début de la fin. 

Très vite, l'adolescente commence à perdre énormément de poids. Et, en mars 2021, "ça a dégringolé", avoue-t-elle aujourd’hui. "Jusqu'au jour où ma mère s'en est aperçue parce qu’en fait, je n’avais plus mes règles…", témoigne Satine. 

Plus de 80 % des patientes souffrant d’anorexie mentale n’ont plus leurs règles. Les femmes atteintes de boulimie peuvent également être touchées par l’absence de cycle menstruel. De manière générale, les troubles alimentaires impactent fortement l’harmonie hormonale du corps.

La maman de Satine prend alors rendez-vous chez une diététicienne qui lui diagnostique une anorexie mentale. Mais ça ne suffit pas pour réaliser: "J’ai continué de perdre du poids"

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La peur des aliments

Satine commence à développer la peur de certains aliments et se prive: "J’ai supprimé certains aliments comme les matières grasses, je pesais tout, je comptais les calories", précise-t-elle. 

La nourriture devient alors une obsession: "Je pensais à ça tout le temps, si je mangeais, je pensais à ce que j'avais mangé, aux calories, et à comment dépenser ça par la suite".

Jusqu’à régir ses moindres faits et gestes: "Je m’isolais, j’ai perdu beaucoup d’amis car je ne sortais plus. J’étais dans ma bulle. Quand j'étais malade, je pensais qu'à ça. L'anorexie, c'était ma meilleure amie, ça avait pris le dessus sur tout", témoigne-t-elle.

Aujourd’hui, Satine réalise que l’anorexie "était une manière de s’effacer, de se faire mourir". Mais à l’époque, lorsqu’elle était au plus mal, "je me disais que j’étais plus forte car plus maigre", réalise-t-elle aujourd’hui.  

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De l’anorexie à la boulimie

En août 2021, Satine est tellement affaiblie qu’elle doit commencer un suivi. Elle entame alors une thérapie au "Domaine", centre spécialisé dans la prise en charge des TCA, à Braine-l’Alleud. "J’étais dans le déni mais c’est à ce moment-là que je m’en suis rendu compte", estime Satine.

Mais son poids continue de baisser. A tel point que Satine doit être prise en charge. On est alors en novembre 2021: "On m’a dit que j’allais devoir être hospitalisée, ça m’a fait peur, je ne voulais pas", explique-t-elle. Alors sa psychiatre et sa psychologue lui donnent un ultimatum: reprendre minimum 500 grammes, sinon c’est l’hospitalisation. "Ça m’a fait un choc", avoue-t-elle. 

Et là, c’est le déclic pour Satine: "J’ai voulu reprendre ce poids que j’avais perdu, et tout remanger". Elle reprend un peu de poids et évite l’hospitalisation de justesse. Mais peu à peu, la boulimie se déclare. En 2 semaines, Satine prend 8 kilos. "Je faisais des crises de boulimie, je mangeais vraiment de tout, du sucré, du salé en même temps", explique-t-elle. 

L’anorexie s'est transformée en boulimie, mais Satine n'avait toujours pas un regard sain vis-à-vis de son corps et des aliments qu’elle consommait. Elle entame alors une thérapie sur 3 mois qui l’a fortement aidée: "Si je n’avais pas été suivie, je ne serai plus là, c’était tellement ancré", réalise-t-elle aujourd’hui.

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Le processus de guérison 

Au total, lorsque Satine était au plus mal, elle a perdu plus de 30 kg en tout juste 6 mois. Une perte de poids vertigineuse. Mais grâce à la thérapie, Satine recommence à prendre du poids de manière stable. On est alors au début de l’année 2022. Et depuis, son combat contre la maladie continue. Car l’anorexie est avant tout une maladie mentale.

Aujourd’hui, la jeune femme est encore sur le chemin de la guérison. Si elle a retrouvé un poids normal, elle se sent encore touchée par la maladie: "J'y pense encore assez souvent. Au niveau mental, si je prends du poids, je vais très mal le vivre. Je l'ai toujours en moi", avoue-t-elle. 

Satine suit un traitement médicamenteux et prend des antidépresseurs afin de l’aider. Parallèlement, elle continue de se rendre une fois par mois au centre de Braine-l’Alleud afin de voir une psychologue. Elle est également suivie par une pédopsychiatre à l’hôpital Erasme de Bruxelles, qui comprend également un service spécialisé dans la prise en charge des TCA.

Les cas de TCA ont doublé depuis 2018

Le témoignage de Satine n’est pas un cas isolé. Depuis le covid, on assiste à un réel "boom" des cas de troubles alimentaires chez les jeunes. Comme l’explique Marie Delhaye, pédopsychiatre et responsable du service de psychiatrie infanto juvénile à Erasme: "Depuis septembre 2020, on a eu vraiment une croissance exponentielle de patients qui présentent des TCA. Et ça continue d’évoluer: les cas ont doublé depuis 2018", estime-t-elle. En 2018, 7% de la population belge était touchée par des troubles alimentaires. Aujourd’hui, 18% des 18-29 ans présentent des symptômes. 

"On a vu beaucoup de sujets où dans la famille on avait peur de prendre trop de poids et donc ils ont commencé des régimes, et à faire du sport. Sauf que chez les adolescents, ça a parfois eu un effet contreproductif car ils se sont mis à tout restreindre de manière trop excessive, et de perdre du poids de façon intense", précise Marie Delhaye. Trop se restreindre ou encore perdre du poids de manière vertigineuse doit alerter, c'est généralement signe que les comportements anorexiques se déclarent.

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Plusieurs autres signaux peuvent vous alarmer, si vous pensez qu'un proche est touché par la maladie: "Tout changement des habitudes alimentaires peut mener à un TCA, alors un jeune qui d’un coup change ses collations par des collations beaucoup plus saines, qui avait peut être l’habitude de grignoter et qui ne va manger plus que des fruits, ou qui va supprimer ses collations et certaines familles alimentaires, ou devenir végétarien sans qu’il y ait de réelles raisons profondes. Tout ça, ce sont des signaux d’alerte", détaille Roxane Aglave, diététicienne à Erasme. 

"Il y a aussi tout le côté hyperactivité physique, donc un surinvestissement au niveau physique, mais aussi au niveau de l’école, des jeunes qui vont beaucoup étudier. Et aussi un isolement social, ne plus aller à des fêtes, éviter les repas de famille par exemple. Toutes ces petites choses peuvent alerter", ajoute-t-elle. 

Une prise en charge est nécessaire

"Ça peut être long, mais la guérison est tout à fait possible si le patient est pris en charge avec une équipe spécialisée dans le domaine", rassure Roxane Aglave. Car seul, il est difficile de s'en sortir, les rechutes sont également possibles.

Le taux de mortalité dû aux troubles du comportement alimentaire, anorexie, boulimie et hyperphagie confondues, est le plus élevé de toutes les maladies psychiques. En Belgique, les TCA sont la deuxième cause de mortalité chez les jeunes, après les accidents de la route. 

Si vous ou un proche souffrez de TCA, n'hésitez pas à en parler, l'isolement n'est jamais la solution, et à prendre rendez-vous dans un centre spécialisé. 

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