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Crack à Paris: un an après, "rien n'a bougé"

Des maires du nord-est parisien et des professionnels de santé ont à nouveau réclamé jeudi la prise en charge urgente des consommateurs de crack regroupés depuis un an dans un campement insalubre de la capitale aux portes de la Seine-Saint-Denis.

"Depuis un an, nous avons multiplié les manifestations, les saisies" en justice mais "rien n'a bougé et depuis la situation s'est détériorée", a dénoncé Bertrand Kern, maire (PS) de Pantin, lors d'une conférence de presse devant la voie piétonne emmurée surnommée le "mur de la honte" par des riverains.

Le 24 septembre 2021, sur décision de la préfecture de police de Paris, des consommateurs de crack - un dérivé fumable de la cocaïne, très addictif - ont été transférés des Jardins d'Éole (XVIIIe arrondissement) aux confins de la capitale, dans un square de la porte de la Villette.

Pris en étau entre des axes routiers ultra-fréquentés, 300 à 400 toxicomanes à l'air hagard errent dans les rues parisiennes et celles du quartier pauvre des Quatre-Chemins, qui compte environ 25.000 habitants à cheval sur Pantin et Aubervilliers.

Commerces en déclin, association de solidarité harcelée, agressions, voie publique dégradée et insécurité jusque dans les halls d'immeubles: "les gens qui habitent ce quartier vivent l'enfer", a résumé M. Kern.

"On ne peut pas tolérer ça", a martelé Karine Franclet, la maire (UDI) d'Aubervilliers. "Il faut des structures adaptées mais qui ne soient pas sur des territoires qui cumulent déjà autant de difficultés".

"Reconnaissons que les pouvoirs publics semblent tolérer ici ce qu'on ne tolérerait nulle part ailleurs", a rebondi François Dagnaud, maire du XIXe, en pointant le "délabrement physique, psychique" des accros au crack, qui vivent dans des conditions indignes, en proie aux violences et à la merci des trafiquants.

Sous l'impulsion du nouveau préfet de police de Paris Laurent Nuñez, des interpellations régulières ont lieu depuis août et un plan de lutte contre le crack doit être bientôt présenté.

C'est "une petite lueur d'espoir", a noté Mme Franclet.

En attendant, les deux édiles de Seine-Saint-Denis ont appelé les citoyens à saisir la Défenseure des droits Claire Hédon, via des courriers types distribués dans les boîtes aux lettres.

L'association de riverains Villette Village a de son côté annoncé qu'elle déposerait prochainement un recours contre l'Etat et la ville de Paris pour inaction.

- "Parcours de soin impossible" -

En fin de journée à Paris, la Fédération Addiction, qui représente plusieurs milliers de professionnels de santé, a organisé une table ronde réunissant deux usagères, des professionnelles de terrain et des membres de collectifs de riverains.

D'après les professionnelles, "entre 300 et 400 personnes la journée et 150 la nuit, dont 35 à 40% de femmes" sont présentes au square Forceval, dans des "conditions d'hygiène déplorable", avec trois toilettes et aucune douche sur le campement.

L'une d'entre elles a décrit une pluralité de profils, des Français aux étrangers, ayant souvent comme point commun des "parcours traumatiques", et une détresse "psychiatrique très présente sur le site".

Le square Forceval "rend difficile voire impossible tout parcours de soin même pour ceux qui sont demandeurs", a-t-elle témoigné, évoquant la dangerosité du site que certains usagers ont désormais peur de fréquenter.

La Fédération Addiction a déroulé ses propositions: multiplication des offres de logement, création d'espaces de consommation sécurisés ("au moins quatre salles supplémentaires en plus de celle existante"), insertion professionnelle des usagers ou prise en charge psychiatrique.

"Ce n'est pas possible de faire sans les professionnels qui interviennent sur ces scènes de consommation, sans les usagers, sans les riverains, il faut concerter tout le monde" pour bâtir des politiques publiques efficaces, a martelé la déléguée générale Marie Öngün-Rombaldina.

Une manifestation est prévue samedi aux Quatre-Chemins, un an jour pour jour après l'arrivée des usagers de crack.

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