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Le harcèlement sexuel existe dans tous les milieux professionnels: la présidente du Sénat Christine Defraigne témoigne

Depuis le début de cette semaine, 28 femmes ont pris la parole dans les médias américains pour raconter les agressions sexuelles dont elles avaient été victimes de la part du producteur hollywoodien Harvey Weinstein. Dans le milieu artistique belge, comme dans le monde du travail, des femmes et des hommes sont confrontés au harcèlement et aux agressions sexuelles. Sur le plateau de l'émission C’est pas tous les jours dimanche sur RTL-TVI, une actrice et deux femmes politiques étaient là pour en parler.

Hilde Van Mieghem a tourné avec une centaine de réalisateurs, un peu partout en Europe. Trois d’entre eux avaient les mains baladeuses, confiait-elle cette semaine dans la presse flamande. Un réalisateur lui a aussi soufflé, entre deux prises, "Je veux faire l’amour avec toi et je t’assure que ça va réussir". Les refus de l’actrice n’ont pas été entendus, à tel point qu’elle a déjà dû se débattre: "J’ai dû courir autour d’une table et attraper une chaise pour qu’il ne vienne pas trop près de moi, et depuis lors, j’ai toujours fait attention à ce que ma fille ou ma sœur soit avec moi lorsque j’avais des rencontres avec des metteurs en scène à la maison. J’ai toujours voulu qu’il y ait quelqu’un, parce que c’était très difficile de se défendre, surtout quand on travaille ensemble. Ça ne s’est jamais passé avant d’avoir le rôle, c’était toujours après. Je n’ai jamais eu un homme qui me dit, si tu ne fais pas ça, tu n’auras pas le rôle, ça je ne l’ai jamais vécu, c’était toujours après".


"Il y a beaucoup d’hommes qui ne savent pas se comporter"

Le monde du cinéma est-il un monde particulièrement touché par ce genre de harcèlement ? Pas pour l’actrice: "Je crois que c’est dans toutes les professions, ce n’est pas seulement dans le monde du cinéma ou du théâtre. Je l’ai aussi vécu avec un psychiatre, un avocat, avec un politicien, je l’ai vécu dans la rue, je l’ai vécu partout. Il y a beaucoup d’hommes qui ne savent pas se comporter, et qui ont une grande libido, je ne sais pas, et qui n’ont pas la finesse de te séduire d’une façon normale".


Dans tous les milieux professionnels

Christine Defraigne, présidente du Sénat et conseillère communale à Liège, confirme que le harcèlement sexuel ne se produit pas que sur les plateaux de tournage. Par trois fois, elle a dû se débattre pour se débarrasser d’hommes vraiment insistants. Il y a 25 ans, alors qu’elle était avocate, après une réunion avec un confrère plus âgé, celui-ci lui demande de le ramener. Une fois dans la voiture, il s’est jeté sur elle. "Moi je n’ai jamais parlé de ça, c’était un peu une espèce d’omerta, on n’en parle pas, et c’est au moment de l’affaire Beaupin en France (un député accusé l’année dernière de harcèlement sexuel et d’attouchements, ndlr) qu’un journaliste m’appelle et me dit, est-ce que ces phénomènes de harcèlement, ça existe dans le monde politique belge ? Je lui ai répondu que ça existait, bien sûr, mais pas seulement dans le monde politique, dans tous les milieux professionnels".


"J’ai été confrontée par trois fois à des situations absolument épouvantables"

Le journaliste lui a demandé si ça lui était arrivé: "J’ai 33 ans de vie professionnelle, et j’ai été confrontée par trois fois à des situations absolument épouvantables, où j’ai dû me débattre, presque en venir aux mains. Et ces situations, quand je vois avec le recul, évidemment on n’a pas à 20 ans ou 25 ans la même expérience, le même regard qu’à 50, mais quand je vois avec le recul, c’est un fil conducteur commun. Il y a une espèce de rapport d’autorité morale, par rapport à une jeune avocate, des confrères beaucoup plus âgés, c’est le piège, ce sont des hommes qui n’ont pas de limite et qui ignorent ce que le mot consentement veut dire".


"Il faut dénoncer, et il faut qu’on soit nombreuses à le faire"

Pourquoi est-il difficile de dénoncer ces comportements, de porter plainte ? L’actrice Hilde Van Mieghem dénonce un manque de prise au sérieux : "Je ne suis pas d’accord qu’on parle d’omerta : avec d’autres actrices, on a essayé de parler, et tout le monde rigole, tout le monde dit, tu ne vas quand même pas faire cette bêtise, défends-toi, c’est la vie". Assita Kanko, conseillère communale à Ixelles et auteure, appelle à agir: "Je comprends que ce soit extrêmement difficile, mais il faut dénoncer, et il faut qu’on soit nombreuses à le faire, sinon on se retrouve dans une autre forme de solitude".


"Le pire, c’est quand il y a d’autres femmes qui disent, sois cool, c’est que de l’humour"

Elle aussi, comme de nombreuses femmes, s’est déjà retrouvée dans des situations de harcèlement sexuel verbal: "Ça arrive beaucoup en politique, qu’il y ait des gens qui pensent que c’est de l’humour, et le pire, c’est quand il y a d’autres femmes qui disent, sois cool, c’est que de l’humour. C’est plus facile de se défendre quand les gens acceptent que c’est mal, mais le problème, c’est qu’après, c’est sur nous qu’on rejette la faute. Quand j’ai dénoncé des SMS horribles que j’ai reçus à 7 heures du matin, très explicites, "Quand est-ce qu’on couche ensemble", des rumeurs qu’on propage, des sourires, des regards, qu’est-ce qu’on peut faire ? On peut seulement en parler avec quelqu'un mais on se retrouve isolé, comme si on était contagieux par rapport à ceux qui ont besoin de quelque chose chez cette personne-là".

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