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L'opposition turque lance un "congrès pour la justice" pour défier Erdogan

Le chef du principal parti d'opposition en Turquie lance samedi un "congrès pour la justice" de quatre jours pour profiter du succès inattendu de sa "Marche pour la Justice" et dénoncer les abus attribués au président Recep Tayyip Erdogan.

Kemal Kiliçdaroglu, chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), organise ce congrès dans un espace en plein air de la province de Canakkale (nord-ouest), avec chaque jour des sessions abordant différentes violations des droits attribuées au pouvoir turc.

Tandis que les rivalités politiques s'enflamment à deux ans des prochaines élections présidentielle et législatives, M. Erdogan tient lui-même samedi un meeting géant à Malazgirt (est), commémorant une bataille au cours de laquelle l’armée d'un sultan seldjoukide a mis en déroute les Byzantins en 1071.

Le choix de Canakkale par le CHP est hautement symbolique puisque c'est là qu'a eu lieu la bataille de Gallipoli au cours de laquelle l'armée ottomane a repoussé les forces alliées au cours de la Première Guerre mondiale.

Cette bataille est devenue un symbole de la résistance qui a abouti à la fondation par Mustafa Kemal Atatürk de la République turque moderne en 1923.

Au début de l'été, Kemal Kiliçdaroglu a parcouru à pied les près de 450 kilomètres qui séparent Ankara d'Istanbul pour protester contre l'incarcération d'un député de son parti, Enis Berberoglu, condamné à 25 ans de prison pour avoir fourni au journal d'opposition Cumhuriyet des informations confidentielles.

Avec pour seul mot d'ordre "Justice", la marche a connu son point d'orgue à son arrivée à Istanbul, avec un rassemblement auquel ont participé des centaines de milliers de personnes.

- 'Soif de justice'-

Cette longue marche et son succès ont profondément agacé le président Erdogan, mais elle a pu se dérouler sans encombre et les forces de l'ordre ont été largement mobilisées pour la sécuriser d'un bout à l'autre.

"La marche pour la justice est allée bien au-delà de l'ordinaire", a estimé M. Kiliçdaroglu, interrogé par la chaîne NTV mercredi soir.

"Elle a rencontré un soutien du public auquel même moi je ne m'attendais pas, parce que ce pays a soif de justice", a-t-il poursuivi.

Plus de 50.000 personnes ont été arrêtées depuis l'instauration de l'état d'urgence à la suite du putsch manqué de l'été 2016, et plus de 140.000 ont été limogées ou suspendues, dont des universitaires, des magistrats et des policiers.

M. Erdogan a sous-entendu à plusieurs reprises que le chef du CHP pourrait se retrouver sous le coup d'une enquête, mais des responsables du gouvernement ont vivement insisté sur le fait que rien de tel n'était dans les tuyaux.

"Ne soyez pas surpris si les liens de Kiliçdaroglu avec un individu emprisonné sont révélés", avait notamment déclaré le président turc, en faisant allusion à Enis Berberoglu.

Recep Tayyip Erdogan a remporté en avril un référendum sur l'extension de ses pouvoirs, et le pays semble d'ores et déjà engagé dans la campagne pour les élections législatives et présidentielle de novembre 2019.

Le président turc, qui a déjà exprimé sa volonté de se présenter pour un nouveau mandat, a exhorté l'AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir, à se restructurer en vue du scrutin.

Signe des tensions entre M. Kiliçdaroglu et M. Erdogan, une photographie du leader de l'opposition déjeunant dans sa caravane pendant la marche, vêtu d'un simple débardeur blanc, lui a attiré de vifs reproches de la part du président.

Kemal Kiliçdaroglu est parfois comparé par ses partisans au Mahatma Gandhi et M. Erdogan a particulièrement peu apprécié la une d'un journal le décrivant comme "le citoyen Kemal".

"Quelqu'un a fait une prétendue marche pour la justice, en s'asseyant de temps à autre dans sa caravane, mangeant en portant un débardeur (...) C'est une insulte à mes citoyens", a estimé M. Erdogan.

"Je parle de justice, il parle d'un débardeur", a réagi M. Kiliçdaroglu, expliquant que la photographie ne montre qu'"une famille d'Anatolie", et qu'il y "déjeune paisiblement avec (sa) fille".

"Je ne viens pas d'un palais. Je suis un homme ordinaire et simple", a-t-il affirmé.

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