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Propos racistes sur Facebook: "Comment attaquer une personne en justice?", se demande Anaïs

Mercredi soir, Cécile Djunga, humoriste et présentatrice météo de la chaîne publique belge RTBF, a dénoncé dans une vidéo le racisme dont elle victime depuis qu'elle passe à la télévision. La jeune femme a reçu des milliers de messages de soutien sur les réseaux sociaux et sa vidéo a été visionnée plus d’un million de fois.

Suite à la publication de cette vidéo, Anaïs a décidé d’interpeller notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous: "Etant une femme de couleur, je me demandais, quelle est la procédure pour attaquer en justice une personne faisant preuve de racisme sur Facebook ?", nous écrit-elle. Par ce message, cette lectrice tient à ce que "toutes les personnes qui se font agresser en ligne" puissent réagir. 


Compiler les preuves

Nous avons soumis ses questions à Patrick Charlier, co-directeur d’Unia, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. "Pour porter plainte, il faut d’abord porter plainte à la police. On peut s’adresser au commissariat de police directement, on peut également faire une plainte et envoyer ça au parquet. Il est également possible, pour des faits de cette nature, de passer par nous. Nous avons pour mission de soutenir les victimes de comportements discriminatoires ou haineux, et nous pouvons aider les personnes et soutenir les personnes quand il y a une véritable infraction à la loi anti-discrimination et la loi antiracisme", explique-t-il.

Il rappelle l'utilité de compiler les preuves. "Si c’est possible, il faut garder les éléments d’identité des personnes qui harcèlent ou qui menacent par ce type de comportements-là. Parfois on est tenté d’effacer pour oublier, il est déjà arrivé que des personnes nous disent, 'Je n’ai rien gardé, parce que je ne voulais plus voir ça', mais alors on perd des éléments pour identifier les personnes et éventuellement les poursuivre". Un formulaire de signalement est disponible sur le site d’Unia. "C’est le moyen le plus simple de nous contacter, parce que c’est aussi le moyen de pouvoir envoyer des captures d’écran", précise le co-directeur.


Quelles sont les peines prévues ?

Quelles peines encourent les personnes qui se rendent coupables de comportement discriminatoires ou haineux sur les réseaux sociaux ? Cela dépend de la manière dont celui-ci s’exprime, explique Patrick Charlier, qui détaille trois cas de figure :

- "Si c’est sur des pages qui sont publiques, qui sont visibles par des tiers, on va pouvoir parler d’incitation à la haine, la violence, ou la discrimination. Là, c’est une plainte pénale qui peut être introduite sur cette base-là, avec des sanctions qui peuvent aller d’un mois à un an de prison, et d’une amende de 400 à 8000 euros".

- "S’il n’y a pas de publicité, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de tiers qui sont informés et que ça se passe dans une relation d’une personne à une autre, on va pouvoir parler de harcèlement, au sens de l’article 442 bis du code pénal, pour autant qu’on puisse démontrer qu’on veut toucher à l’intégrité et à la tranquillité de la personne par des propos, des menaces et des comportements injurieux et discriminatoires. Là aussi, c’est une procédure pénale, et l’article 442 ter du code pénal prévoit que si le harcèlement a un caractère haineux, qu’il soit raciste, qu’il soit homophobe, qu’il soit islamophobe, qu’il soit antisémite, la peine peut être doublée".

- "Une dernière possibilité, mais les conditions sont relativement strictes, c’est la notion d’injure. Pour faire une injure, il faut que ce soit une injure écrite, et pas une injure orale, qui n’est pas pénalisée, et il faut voir dans le contexte, s’il y a des éléments qui peuvent relever de l’injure au sens du code pénal".

L’année passée, Unia a ouvert 782 dossiers pour racisme ou discrimination raciale. "Une partie d’entre eux relèvent du discours ou du délit de haine. On a eu 326 dossiers liés aux médias et à internet, et 90% d’entre eux concernent les réseaux sociaux, les forums de discussion, Facebook, Twitter, mais aussi les forums de discussion des médias".

"La procédure n’est pas nécessairement longue"

"J'imagine que c'est long, fastidieux, coûteux pour que l'autre personne ait juste une tape sur la main. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas simplifier tout ça?", se demande Anaïs, déplorant des démarches qu'elle estime complexes. "Pourquoi la victime doit non seulement se faire insulter mais en plus se taper autant de démarches pour que justice soit faite?".

Nous avons soumis cette réflexion à Patrick Charlier, qui relativise l’ampleur des démarches: "La procédure n’est pas nécessairement longue", estime-t-il, donnant un exemple récent où la réaction judiciaire a été très rapide: "Lorsque la Pride a été organisée à Anvers, quelqu’un sur Twitter avait posté un gif où on voit des soldats de l’armée allemande qui tirent à la mitraillette, et il dit, "Toutes ces tapettes, on va s’en occuper". Ça s’est passé un jeudi. Le vendredi, un juge avait pris contact avec Twitter et on avait pu identifier qui c’était. Il y a eu une perquisition, on a découvert chez lui un drapeau nazi et des armes prohibées, et le samedi, il était en détention administrative pendant la Pride. En 48 heures de temps, pour quelqu'un qui avait commis un tweet de manière anonyme, il y a eu une réaction extrêmement rapide".


Un rappel à la loi peu parfois suffire à calmer des personnes "un peu trop excitées"

Patrick Charlier reconnaît toutefois que le temps judiciaire n’est pas nécessairement adapté à l’immédiateté des réseaux sociaux: "On va revenir parfois 2 ou 6 mois après des échanges sur les réseaux sociaux, et le temps aura vite passé. C’est vrai que le temps judiciaire n’est pas toujours adapté à la réalité de la haine sur internet. Mais cela étant, on peut aussi réagir soi-même, protester, contester, et parfois une convocation par un policier ou par un magistrat suffit à calmer quelqu'un sans avoir nécessairement de condamnation. Suite à une plainte, quelqu'un est convoqué par la police, il y a un rappel à la loi, et il arrive que cela suffise à calmer des personnes qui sont parfois un peu trop excitées ou trop actives".

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