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Blockchain: la Chine assemble ses maillons

Une directive présidentielle, une nouvelle loi et des actions qui flambent à la Bourse: la Chine se lance à corps perdu dans la blockchain, bien décidée à prendre les rênes d'une technologie numérique d'avenir.

La Chine est le dernier pays en date à s'être doté d'une loi encadrant strictement le chiffrement des données.

Le texte adopté samedi, qui entrera en vigueur le 1er janvier, réglemente en particulier la technologie de chaîne de blocs (blockchain), qui permet le stockage et l'échange direct de données sans passer par un intermédiaire.

Réputée infalsifiable, la blockchain est une technologie informatique utilisée notamment dans le fonctionnement d'une cryptomonnaie comme le bitcoin -- à laquelle Pékin entend répliquer.

Bien que la loi "soit encore assez floue", la Chine est "clairement" l’un des pays les plus actifs en matière de réglementation, indique à l'AFP Stanislas Pogorzelski, rédacteur en chef du site spécialisé Cryptonaute.fr.

Selon des experts, la blockchain est vouée à devenir incontournable dans de nombreux secteurs clés du futur, avec la multiplication des échanges d'informations numériques à sécuriser: finance, internet des objets, mégadonnées, intelligence artificielle, 5G...

Elle servira aussi à rendre "plus efficaces" les procédures administratives, selon l'analyste Kai von Carnap, de l'Institut Mercator pour les études chinoises (Merics).

"La Chine a très bien compris que pour rester une superpuissance, il fallait être à la pointe en matière de nouvelles technologies", analyse M. Pogorzelski.

- Faire naître des géants -

Le parlement a voté la loi deux jours après des propos du président chinois sur la technologie de chaîne de blocs.

"La blockchain doit jouer un rôle plus important dans le renforcement de la puissance chinoise dans le cyberespace, le développement de l'économie numérique et la promotion du développement socio-économique", a déclaré Xi Jinping.

Le pays, qui travaille sur ces questions depuis 2014, compte de nombreuses entreprises du secteur.

Mais aux antipodes de sa philosophie libertaire, cette technologie pourrait aussi servir au Parti communiste à contrôler la "loyauté idéologique" de ses membres, fait remarquer à l'AFP M. Von Carnap, en référence à une application assise sur la blockchain.

Lancée le week-end dernier, elle permet aux membres du PCC d'inscrire à tout jamais leur profession de foi communiste, a rapporté le Quotidien du peuple.

La nouvelle loi "vise à accélérer le développement de la cryptographie en soutenant les entreprises locales exploitant cette technologie", relève M. Pogorzelski.

Après les propos du président Xi, plus de 70 d'entre elles ont vu lundi bondir leur cours en Bourse et atteindre le seuil de 10% de fluctuation journalière autorisé en Chine continentale.

"En appelant au développement de la blockchain, le président chinois encourage l’accélération des usages et l’injection de capitaux dans les entreprises locales spécialisées", prévient Stanislas Pogorzelski.

"Son appel vise à faire naître et financer les géants chinois de la blockchain de demain".

La blockchain est "très importante pour l'avenir et la Chine veut en devenir le leader mondial", dans un contexte de rivalité croissante avec les Etats-Unis, estime Anthony Pompliano, auteur d'une lettre d'information consacrée à la cryptographie.

Pékin, qui a banni il y a deux ans les cryptomonnaies -- échappant à toute régulation -- accélère les préparatifs de sa propre monnaie virtuelle, censée faciliter les transactions et réduire les coûts.

- "Pas un grand fan" -

"Le contraste est frappant" avec la position "négative" des Etats-Unis sur la question des cryptomonnaies et de la technologie blockchain, observe M. Pompliano.

"Je ne suis pas un grand fan du bitcoin et des autres cryptomonnaies", a tweeté Donald Trump cet été. Et le président américain de s'en justifier: ce n'est "pas de l'argent, leur valeur est très volatile et repose sur du vent".

L'an dernier, plusieurs start-up qui avaient levé des fonds en cryptomonnaies ont été sanctionnées par le gendarme américain des marchés (SEC) qui les a obligées à payer une amende et rembourser leurs souscripteurs.

La semaine dernière, le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, attaqué de tous côtés pour son propre projet de monnaie numérique libra, a dû le défendre devant le Congrès.

"Le sentiment général est clair: le bitcoin, la technologie blockchain et les actifs numériques ne sont pas une priorité pour les Etats-Unis", regrette M. Pompliano.

La libra fait face à des critiques de la part de nombreux gouvernements. Ils y voient une menace pour leur souveraineté monétaire et des risques en termes de blanchiment d'argent et de protection des données des utilisateurs.

"Je ne pense pas que la libra réussira", a assuré cette semaine Huang Qifan, vice-responsable du CCIEE, un cercle de réflexion qui conseille Pékin sur les échanges internationaux.

Ces propos, qui tranchent avec la retenue habituelle des fonctionnaires chinois, ont été abondamment relayés par la presse officielle.

"Il vaut mieux (...) avoir des monnaies numériques souveraines émises par un gouvernement ou une banque centrale", a justifié M. Huang.

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