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Bratislava renoue avec son passé en dégustant ses croissants aux noix et au pavot

Dans les étroites ruelles pavées de la vieille ville de Bratislava, le riche passé de la capitale slovaque revient aux lèvres des promeneurs avec le goût des traditionnels croissants fourrés aux noix ou au pavot.

Cousins du cornetto italien, du croissant français et du Kipferl autrichien - et aussi de la madeleine de Proust -, les Bratislavské rožky, appelés aussi localement "baguel", ont peut-être quelque ascendance turque, qui remonte aux invasions ottomanes du 16e et du 17e siècle.

Ils connaissent une renaissance aujourd'hui, alors que le pays sort de décennies de grisaille communiste pour renouer avec son passé.

Turcs, allemands ou slovaques? C'est aux anciens habitants de Pressburg, ancien nom de cette ville multiculturelle, qu'ils doivent leur naissance, raconte Sándor Pap, de l'association Croissants de Bratislava.

"A l’époque, les gens ne s’occupaient pas de questions de nationalité ou de croyance", relève-t-il. A preuve, une vieille pâtisserie porte le nom de Schwappach, d'origine allemande, tandis que les croissants y sont annoncés par leur nom hongrois.

Si les documents historiques font remonter leur naissance au 16e siècle, la pâtisserie Schwappach est entrée dans leur histoire lors de la Saint-Nicolas 1785 lorsque son maître pâtissier, Wilhelm Scheuermann, exposa avec succès ses croissants dans la vitrine de la boutique, située à l’époque place Hviezdoslav, dans la vieille ville de Bratislava.

Les petites viennoiseries doivent obéir à des critères stricts pour pouvoir porter leur nom. "Les croissants doivent être marbrés, il faut donc les recouvrir deux fois de jaune d'œuf. Leur farce doit représenter 30% du poids du produit et ils doivent être cuits sans produits chimiques", explique Eva Bolemant, chargée du marketing de ces douceurs.

- Recette brevetée -

"La forme change en fonction de la farce, ce qui permet aux clients de les identifier: ceux aux noix ont la forme d’un C et ceux au pavot d’un fer à cheval ou d’un U", précise-t-elle.

Les croissants de Bratislava furent fabriqués jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Sous le communisme, nombre de pâtisseries familiales mirent la clé sous la porte, on oublia les croissants et la recette originale disparut.

Les croissants ne survécurent que dans les familles. Après la chute de Mur de Berlin, ils commencèrent à reconquérir pâtisseries et cafés.

"Lorsque nous en vendons lors d’événements publics, sur nos stands, comme en ce moment sur les marchés de Noël, des personnes âgées s’arrêtent et nous racontent leurs souvenirs d’enfance, comment leurs grand-mères en faisaient, mais regrettent de n’en avoir plus la recette", raconte Mme Bolemant.

Si Sándor Pap et Eva Bolemant assurent qu'il n'existe aucune recette originale officielle, chaque famille utilisant la sienne, un maître pâtissier célèbre de Bratislava, Vojtech Szemes, en a fait breveter une.

Les croissants de Bratislava y ont gagné leur label européen "spécialité traditionnelle garantie" slovaque, bien que les deux autres nations de l’ancienne Autriche-Hongrie puissent également y prétendre.

Et leur réputation commence à franchir les frontières nationales. Quand la pâtisserie Fantastico, conseillée par l’association et M. Szemes, a commencé à en produire il y a un an et demi, les commandes se comptaient par dizaines. Aujourd’hui, elles arrivent par milliers. Et de plus en plus viennent de l'étranger.

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