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La France et l'Italie coulent le rachat des Chantiers de l'Atlantique

Il n’y aura pas d’"Airbus de la mer": les gouvernements français et italien ont annoncé mercredi avoir abandonné d'un commun accord le projet de rachat des Chantiers de l’Atlantique par Fincantieri, en évoquant la crise sanitaire qui a impacté le tourisme mondial.

Après des années de blocage, les ministres de l'Economie français et italien, Bruno Le Maire et Stefano Patuanelli, et la vice-présidente exécutive de la Commission européenne, Margrethe Vestager ont acté lors d'un appel mercredi l'échec de la reprise de l'entreprise de Saint-Nazaire, spécialisée dans les paquebots et navires militaires de grande taille.

"La France et l’Italie prennent acte du fait que le contexte économique actuel ne permet pas de poursuivre le rapprochement envisagé entre les Chantiers de l’Atlantique et Fincantieri", ont ensuite indiqué les gouvernements dans un communiqué de presse conjoint.

Les deux pays ont assuré rester "pleinement engagés pour approfondir leur coopération dans le secteur maritime et de la construction navale", notamment via leur programme naval commun Naviris.

L’accord de cession des Chantiers de l’Atlantique, signé par l’Etat français, Fincantieri et Naval Group le 2 février 2018, devait prendre fin le 31 janvier 2021, après avoir été prolongé cinq fois.

Mercredi, les parties ont décidé de "ne pas prolonger une nouvelle fois cet accord", ont-elles souligné. "En effet, le secteur du tourisme fait actuellement face à un niveau d’incertitude économique inédit, du fait de la crise de la Covid-19 qui n’autorise pas la poursuite de l’opération".

- "Attendons" les options -

Le ministre de l'Economie français, Bruno Le Maire, a annoncé cet abandon mercredi soir aux élus de Loire-Atlantique, et une cellule va travailler sur les prochaines options de rachat.

"Attendons que la poussière retombe et voyons quelles marques d’intérêt sont confirmées", a souligné le ministère de l'Economie. "Les chantiers ont tous les moyens pour se développer, sont soutenus par l’Etat actionnaire, et ont un bon carnet de commandes".

Sollicité par l'AFP, Fincantieri n'a pas fait de commentaires.

Depuis la faillite de leur maison mère sud-coréenne, les Chantiers sont détenus par l'État français (84,3% du capital), Naval Group (11,7%), les salariés (2,4%) et des sociétés locales (1,6%).

Depuis 2017, le projet de cession prévoyait que Fincantieri détienne 51% du capital. Le dossier était stratégique, le secteur de la construction des grands navires de croisière constituant encore une chasse gardée européenne face à la concurrence asiatique.

Trois chantiers se partagent le marché: les Chantiers de l'Atlantique, Fincantieri et l'allemand Meyer Werft. Or, une alliance nouée entre l'entreprise italienne et le chinois CSCC pour construire des paquebots faisait craindre que le loup n'entre dans la bergerie.

- "Une victoire" -

Fin décembre, le gouvernement français avait accordé un nouveau délai à Fincantieri pour finaliser son rachat en soumettant des informations à la Commission européenne, concernant l'impact de la vente sur la concurrence. Le groupe italien n'a pas fourni de documents, et la Commission n'a pas donné sa décision.

Les élus locaux, qui déploraient la poursuite du projet, se sont réjouis de son abandon.

"C’est la victoire d’un territoire, de ses élus et de ses acteurs économiques qui se sont mobilisés ensemble pour préserver l’un de nos plus beaux fleurons industriels", a salué mercredi Christelle Morançais (LR, droite), présidente de la région des Pays de la Loire.

"Dans le contexte difficile où nous sommes, le Gouvernement a finalement fait le choix d’adresser un message de confiance à l’industrie française, et je m’en réjouis", a poursuivi l'élue.

"C’est une excellente nouvelle, on l’a vu venir ces derniers jours", a déclaré à l'AFP le maire de Saint-Nazaire, David Samzun. "Il ne faut pas se précipiter mais ne pas trop traîner non plus" pour trouver un autre partenaire, a-t-il souligné. "On a besoin de reprendre de nouvelles commandes".

"On prend acte" de l’annonce, a réagi de son côté Arnaud Fontaine, délégué du personnel CGT aux Chantiers de l’Atlantique. "Ce n’est pas une garantie pour le sort des travailleurs de rester français et de rester à capitaux publics. Il faudra des luttes", a-t-il prévenu.

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