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Violences faites aux femmes: la Grèce veut lever la chape de plomb

Le procès en Grèce de deux jeunes hommes accusés d'avoir tué une étudiante de 21 ans après l'avoir violée ouvre le débat sur les violences faites aux femmes dans une société qui reste patriarcale.

Sur le banc des accusés de la cour d'assises d'Athènes, un Grec et un Albanais, de 20 et 21 ans respectivement, répondent actuellement du viol et de l'homicide volontaire d'Eleni Topaloudi dont le corps a été découvert en novembre 2018 au large d'une plage de l'île de Rhodes.

Trois mois plus tard, en janvier 2019, une jeune femme de 27 ans était tuée sur l'île de Corfou par son père furieux de la relation amoureuse qu'entretenait sa fille.

Ce meurtre compte parmi les douze féminicides répertoriés en 2019 en Grèce par des ONG de défense des femmes.

Parmi les victimes, une majorité de Grecques mais aussi une touriste américaine tuée sur l'île de Crète en juillet dernier.

En Grèce, de tels crimes sont répertoriés en tant que simples homicides, le terme "féminicide" n'existant pas pour le moment dans le code pénal grec.

"Les cas de féminicides sont en réalité le résultat d'années de violences domestiques qui n'ont pas été traitées et résolues correctement", déclare Maria Alvanou, criminologiste et avocate, rencontrée samedi dans une manifestation à Athènes pour "l'égalité" des sexes et "la fin des violences faites aux femmes".

Selon les chiffres de la police, le nombre des violences domestiques a quadruplé en Grèce entre 2010 et 2018, passant de 1.148 à 4.254. Les quatre dernières années de cette période, ces violences ont augmenté de 34,4%, dont plus de 66% des victimes sont des femmes.

Mais l'affaire Topaloudi semble ouvrir les esprits dans une société dominée par les hommes.

- Rompre avec "la peur ou la honte" -

Il y a un an, la police grecque créait un service spécial dédié aux violences domestiques.

"L'objectif du nouveau département de la police contre les violences domestiques est de sensibiliser le public sur la question et d'inciter les femmes, qui jusqu'ici avaient peur ou honte d'avoir recours à la police en raison de la structure patriarcale de la société, de le faire", précise à l'AFP Ioanna Rotziokou, porte-parole de la police.

Une campagne de sensibilisation lancée par la police en novembre dernier ainsi que la multiplication des manifestations de militants féministes cherchent à rompre la loi du silence qui règne encore dans la société grecque.

Selon Ioanna Rotziokou, "il existe toujours de nombreux incidents qui ne sont pas dénoncés par les victimes".

Pendant la dernière décennie, la Grèce était frappée par la crise et "la détérioration des conditions économiques des ménages a multiplié les cas d'agressivité contre les femmes", assène Sissy Vovou, militante et rédactrice du site féministe Mov.

Mais "les rôles traditionnels homme-femme ont changé et l'augmentation des dénonciations est surtout due à la déculpabilisation des femmes, qui sont actuellement mieux informées sur leurs droits et les moyens de se défendre", se félicite Mme Vovou, auprès de l'AFP.

Pour Maria Syguérela, secrétaire générale de l'organisation Egalité des sexes, "des mesures dans les secteurs de l'éducation et de l'emploi doivent encore être prises pour éliminer les discriminations et renforcer la position de la femme dans la société".

En Grèce, les femmes sont payées en moyenne 25% moins que les hommes. Elles sont aussi les plus touchées par le chômage, qui caracole à 18% dans le pays, le taux le plus élevé dans la zone euro, selon les statistiques officielles.

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