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Lilian, otage des frères Kouachi qui s'est caché sous l'évier: "Il a bu de l'eau juste au-dessus de moi"

Lilian Lepère, le graphiste de 26 ans de l'imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), est resté huit heures et demie sans bouger, caché dans un meuble étroit sous un évier, alors que les frères Kouachi étaient retranchés dans l'entreprise. "J'étais dans un meuble avec deux portes battantes, à côté du siphon. C'est pas très grand (...) 70 cm par 90 cm, avec 50 cm de profondeur, sans pouvoir faire un mouvement", a-t-il raconté lundi au journal télévisé de France 2.

Jeudi vers 09H30, Chérif et Saïd Kouachi, les deux hommes les plus recherchés de France, arrivent en trombe devant l'imprimerie de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne). A l'étage, le gérant, Michel Catalano, 47 ans, les aperçoit. Il va aussitôt voir son graphiste, Lilian Lepère, 26 ans, "pour lui dire de se cacher". Le jeune homme se dissimule sous un évier dans la salle de restauration, au second étage. Les frères Kouachi, qui ne cherchaient pas à s'emparer d'otages, finissent par laisser partir Michel Catalano. Lilian Lepère, lui, n'est jamais découvert par les jihadistes.

"C’est grâce à lui si je suis là aujourd’hui"

Lilian Lepère a livré un témoignage exceptionnel sur le plateau du journal de France 2 ce lundi soir. Il débute son récit en remerciant Michel Catalano: "Merci, car il m’a donné les secondes nécessaires pour me cacher. Si on était deux otages, peut-être que les choses auraient été différentes. Il leur (les frères Kouachi) a proposé un café. C’est à l’opposé d’où j’étais. C’est grâce à lui si je suis là aujourd’hui. Je ne le remercierai jamais assez."

"Il a bu à l’évier juste au-dessus de moi"

Lilian est resté 8h30, sans bouger, sous cet évier. Les frères Kouachi se sont même rapprochés à quelques centimètres de Lilian: "Je me suis caché sous un évier avec un meuble et deux portes battantes devant. Juste ça. La plupart du temps, ils étaient dans le bureau de mon patron juste à côté. C’est la pièce mitoyenne au mur où j’étais posé. Si je faisais un geste, ça cognait sur leur mur." Après une première visite dans la pièce où se trouve Lilian, les deux terroristes quittent l'endroit. Une brève fusillade éclate avec les membres du GIGN et les frères terroristes regagnent la pièce où est caché Lilian. "La deuxième incursion dans la pièce où j’étais a été la plus prenante. L’un des deux est venu et a ouvert le placard qui est juste à côté du mien. Ensuite, il s’est dirigé vers le frigo. Il a demandé à son comparse s’il voulait boire quelque chose. L’autre lui a répondu qu’ils n’avaient pas le temps et ce n’était pas le moment. Le meuble qu’il a ouvert est à 50 centimètres de moi. Je me suis dit que j’étais foutu, car il va faire tous les meubles. Après le frigo, il est venu vers mon meuble et il a bu à l’évier juste au-dessus de moi. J’ai entendu l’eau qui coulait au-dessus de ma tête qui était collée contre l’évier. J'ai vu son ombre à travers l’interstice de lumière entre les portes du placard." A ce moment-là, la tension est à son paroxysme pour Lilian: "Je me suis dit que s’il s’essuyait les mains avec la serviette sur la porte, il me découvrait, car la porte s’ouvrirait. C’était comme dans un film. Le cœur s’arrête de battre, le souffle se coupe et on attend." Le terroriste finit par s'éloigner.

"J'ai joué au Loto"

Au bout de quatre heures, Lilian Lepère s'aventure à chercher son portable dans sa poche, se servant des téléphones de la société qui sonnaient "un petit peu partout" pour amortir le bruit qu'il pourrait faire. "Mon premier réflexe, ça a été de le mettre en silencieux, sachant que toute la journée, des gens essayent de me contacter (...), mon portable vibre et fait résonance dans ce meuble, à chaque fois, faut décaler la cuisse pour que ça fasse le moins de bruit possible". Il envoie un sms à plusieurs de ses proches, son beau-frère lui répond qu'ils sont en direct avec la police. "Là, c'est les premières larmes. Le moral remonte un peu". Il a ainsi pu donner un maximum de renseignements aux hommes du GIGN, qui ont pu le libérer quatre heures après. Le jeune otage achève son interview avec un trait d’humour et non sans avoir une pensée pour les autres victimes des terroristes qui n’ont pas eu sa chance. "On se sent chanceux, j’en ai conscience. J’ai joué au Loto ce soir pour la cagnotte. J’aimerais dire qu’on se sent solidaire des autres victimes."

Les frères Kouachi, auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo (12 morts le 7 janvier) ont été tués dans l'assaut du GIGN.

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