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Sabrina face au "tueur de la gare de Perpignan", le "mal incarné"

"J'ai la haine", dit Sabrina H., "je vous souhaite que du malheur", lance-t-elle à l'attention de Jacques Rançon, avant que ses nerfs ne lâchent. La jeune femme a raconté dans la douleur jeudi son calvaire sous les coups de couteau du "tueur de la gare de Perpignan".

Vingt ans qu'elle garde en mémoire les coups de couteau qu'elle a reçus, un soir de mars 1998. Vingt ans qu'elle se remémore le "regard sadique, noir" de son agresseur et que chaque matin, elle voit la cicatrice de 32 cm sur son ventre. "Quand je la vois, c'est lui que je vois", dit-elle, la voix parfois brisée par les sanglots.

Pendant 50 minutes, elle évoquera devant la cour d'assises des Pyrénées-Orientales l'agression et le traumatisme, la "haine", les séquelles physiques et psychologiques.

Les mots s'entrechoquent, et subitement, la jeune femme est débordée par ses émotions. Elle ne peut plus retenir sa douleur, ni ses larmes. Ni, brusquement, ses hurlements. La salle se fige, la jeune femme est évacuée par la sécurité civile.

Rançon, un cariste-magasinier de 58 ans, est jugé jusqu'au 26 mars pour avoir violé, tué et atrocement mutilé Moktaria Chaïb et Marie-Hélène Gonzalez, tenté de violer Nadjet et laissé Sabrina pour morte.

Sabrina qu'il repère, ce soir du 9 mars 1998, sous un porche, alors qu'il passe en voiture. Agée de 19 ans, elle attend son ex petit ami mais voit l'homme revenir à pied.

"Il engage la conversation, il sentait fortement l'alcool", raconte la jeune femme noire. "Il dit que j'étais jolie, un joli sourire, de jolis yeux. Je le trouve insistant". "Il me fixait d'un regard sadique, noir, comme s'il me faisait l'amour sur place. Mon corps ne pouvait pas bouger".

L'homme feint de tomber et Sabrina l'aide, même si, méfiante, elle se dit "+regarde bien ce visage, c'est le mal incarné+".

Rapidement, elle reçoit un premier coup de couteau. "J'ai entendu la perforation", se souvient-elle, soulignant avoir vu "de la satisfaction" dans les yeux de son agresseur.

"J'ai hurlé, hurlé. Je suis tombée au sol, il m'enjambe", dit la jeune femme dont le récit, interrompu par des sanglots, s'emballe.

A nouveau un coup de couteau, "de bas en haut", "comme s'il éventrait un cochon". "Je partais, je mourais", confie celle qui ne devra la vie sauve qu'à l'intervention d'une riveraine.

-"des cris d'animaux"-

Marie-Line Sandret a témoigné des hurlements de Sabrina identiques à "des cris d'animaux". Elle a raconté s'être précipitée hors de chez elle: sous le porche elle voit une personne en frapper une autre au sol "avec acharnement". Des coups de poing, imagine-t-elle.

"J'ai empoigné la personne par les épaules, je l'ai relevée, et là j'ai vu le couteau", raconte-t-elle.

"J'ai crié aussi". Rançon s'enfuit, elle lui court après mais abandonne vite: "j'étais sortie pieds nus". "Après, c'est le trou noir", admet cette femme dont le président de la cour salue "le courage".

-'paranoïa'-

De cette agression, Sabrina a gardé "la haine". Elle s'était promis "de reconnaître" un jour le visage de son agresseur. Chose faite en 2014, quand elle voit dans la presse une photo de Rançon après son interpellation dans le dossier Moktaria Chaïb.

Seize ans marqués par "des cauchemars", un ventre martyrisé, la difficulté à se reconstruire et des traumatismes: "la peur des gens, des bruits (...) je suis devenue paranoïaque", reconnaît-elle.

Vient le plus intime : des rapports sexuels avec son mari, uniquement la nuit, "avec un T.shirt". "Je ne supporte pas qu'il touche mon ventre", qu'elle craint aussi de voir s'ouvrir "à chaque grossesse".

La vie miséreuse de Rançon ? "Ce n'est pas une raison pour faire du mal", juge-t-elle, évoquant sa propre enfance: sa mère "battue pendant presque toute sa vie", les six enfants "abandonnés" à la grand-mère, "les "cafards" dans la chambre.

Puis elle affirme dans la colère "ne pas pardonner" à son agresseur, ne lui "souhaiter que du malheur".

Rançon, fidèle à lui-même, ne se souvient "pas d'avoir donné des coups de couteau" ou d'avoir été "pris par le dos".

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