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Après la mort d'un des leurs, les Israéliens éthiopiens font éclater leur colère contre la police

Assis sous la tente funéraire, Woreka Teka accepte les condoléances et les marques d'affection des siens, mais refuse d'évoquer le soir de la mort de son fils de 19 ans, tué par un policier dans le nord d'Israël.

Depuis l'annonce de son décès dimanche, des manifestations ont éclaté partout en Israël.

"Je veux que les manifestations se poursuivent mais pas de manière violente, jusqu'à ce que le policier qui l'a tué soit inculpé", explique calmement en amharique l'homme de 58 ans, assis avec sa femme près d'un portrait de son fils souriant.

A Kiryat Ata, près de l'endroit où Solomon a été tué, les routes portent les stigmates des pneus brûlés.

A un carrefour, les manifestants se mettent à crier "on emmerde la police!", à l'approche des journalistes.

La mort de Solomon Teka est devenue symbole des violences policières. Un autre jeune d'origine éthiopienne avait été tué en janvier par un policier suscitant la colère au sein de la communauté et des manifestations.

Beaucoup de juifs éthiopiens se disent victimes de discriminations de la part des forces de l'ordre israéliennes en raison de leur couleur de peau. Sur les 140.000 Israéliens éthiopiens vivant aujourd'hui dans l'Etat hébreu, 50.000 y sont nés.

- "Les policiers ne comprennent pas" -

Les manifestants ont parfois pris à parti la police, cible de pierres, bouteilles et cocktails molotov.

Selon le porte-parole des forces de l'ordre, plus de 140 personnes ont été arrêtées et 111 policiers blessés.

D'abord distante et passive pour ne pas enflammer la situation, la police a entrepris d'évacuer les routes bloquées et s'est montrée plus offensive mardi soir.

Le lendemain, les manifestations s'étaient un peu calmées, et la violence avait largement diminué.

"Les policiers ne comprennent pas ce qu'on essaie tous de leur expliquer", explique Lihi Achdari. "Ils ne savent pas ce que c'est d'avoir des gens qui vous regardent différemment à cause de votre couleur de peau", souligne cette jeune Israélienne de 21 ans.

Selon la police, Solomon Teka a été tué par un policier, qui n'était pas en service au moment des faits et qui aurait tenté de s'interposer dans une bagarre entre jeunes. Après avoir expliqué qu'il était policier, des jeunes lui auraient lancé des pierres. Se disant menacé, le policier a alors tiré sur Solomon.

Mais d'autres témoins interrogés par les médias israéliens ont assuré que le policier n'avait pas été agressé.

L'agent a été assigné à résidence et une enquête a été ouverte, selon la police.

La plupart des Ethiopiens aujourd'hui en Israël sont arrivés lors de deux vagues d'immigration organisées par l'Etat hébreu en 1984 et 1991.

Leurs ancêtres avaient été isolés du monde juif pendant des siècles avant que les autorités religieuses en Israël ne les reconnaissent comme membres de la communauté.

Dans un pays longtemps dirigé par des juifs de descendance européenne, les juifs du Moyen-Orient ont subi des discriminations. Et les Ethiopiens, arrivés plus récemment, ont dû faire face à d'autres obstacles, certains liés à leur couleur de peau.

- Discriminations quotidiennes -

En janvier, des milliers de juifs éthiopiens étaient déjà descendus dans la rue à Tel-Aviv après la mort d'un des leurs tué par un policier, selon qui la victime s'était ruée sur lui avec un couteau.

Sa mère a fait savoir qu'elle-même avait appelé la police pour contenir son fils, souffrant de problèmes mentaux, et a accusé les policiers de l'avoir tué sans raison.

Beaucoup d'Israéliens éthiopiens ont réussi leur vie, estime Yaakov Frohlich de l'ONG Fidel qui les aide à s'intégrer dans la société israélienne. Il dénonce cependant une pression policière contre la communauté israélienne éthiopienne.

"La génération actuelle, qui a grandi en Israël, réalise qu'en se taisant, les choses ne changent pas", constate-t-il.

"La mort de Solomon Teka est une immense tragédie", a reconnu le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, admettant que des problèmes devaient être résolus.

Près du lieu des manifestations de Kiryat Ata, banlieue industrielle près du port de Haïfa, Ora Yakov explique qu'elle soutient le message des manifestants mais pas les violences.

La jeune femme de 23 ans, qui étudie le droit pour défendre les siens, rappelle les harcèlements quotidiens dont sont victimes ceux de sa communauté en Israël.

"C'est la manière dont ils nous traitent tous les jours".

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