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Cousine missionnaire, prêtre des bidonvilles, soeur karen: la Thaïlande attend le pape

Une cousine missionnaire, un prêtre au cœur du plus grand bidonville de Bangkok, une sœur karen aux confins du pays, une collégienne sélectionnée pour danser à la messe: la Thaïlande se prépare à rencontrer le pape François, en visite du 20 au 23 novembre, une première depuis 35 ans.

. Cousine missionnaire

"Je l'appelle encore +Jorge+". Sœur Ana Rosa, qui a un arrière grand-père commun avec le pape, né Jorge Mario Bergoglio, sera à ses côtés pour servir d'interprète et lui "permettre de ne pas faire de faux pas" dans le pays à 95% bouddhiste.

"Il l'a demandé. Je n'en tire aucune fierté comme le jour de son élection où j'ai quand même veillé une grande partie de la nuit".

Elle assistera aux messes célébrées par le souverain pontife dans un stade et dans la cathédrale de Bangkok et sera aussi probablement présente lors de sa rencontre avec le roi et le Premier ministre thaïlandais.

Sœur Ana Rosa, 77 ans, connaît parfaitement la Thaïlande où elle est missionnaire depuis 1966.

De son illustre cousin, qu'elle a surtout côtoyé dans sa jeunesse, elle se souvient d'un "enfant joueur, adorant le football", puis d'un jeune homme "timide, parfois même un peu ennuyeux".

Aujourd'hui, c'est "un grand orateur", "il sourit beaucoup", "aime le contact direct avec les gens, contrairement à ses prédécesseurs".

Sa proximité familiale avec le pape, qui a célébré en Argentine le mariage de sa sœur et les messes de funérailles de ses parents, vaut à Ana Rosa une certaine aura dans sa communauté.

Et elle garde précieusement les lettres manuscrites, signées d'un modeste "Francisco", que son cousin continue à lui écrire.

Selon elle, leur dernière conversation au Vatican en 2018 fut amicale et familière, malgré leur éloignement géographique.

"Ma responsabilité est de prier pour lui plusieurs fois par jour. Il n'a peur de rien, mais il s'est fait des ennemis au sein même de l’Église".

. Prêtre du bidonville

"Je ne suis pas un héros". Le père Alessio Crippa, originaire de Milan, vit et travaille depuis trois ans à Khlong Toei, plus grand bidonville de Bangkok où s'entassent plus de 100.000 habitants.

Il a aidé à choisir les cinq enfants (deux catholiques, trois bouddhistes) du quartier qui rencontreront le pape dans un hôpital.

"C'est un gage de reconnaissance pour ces jeunes encore récemment déscolarisés, nés dans des familles décimées par la drogue, les dettes ou les maladies", explique le prêtre de 38 ans.

A Khlong Toei, la majorité des habitants est bouddhiste. "Je ne suis pas là pour tenter de convertir, mais pour aider", assure cet ex-ingénieur, devenu missionnaire à 21 ans.

. Sœur karen

"Ils verront Bangkok pour la première fois", sourit Sœur Paif, chrétienne de la minorité ethnique des Karens.

Sur les quelque 7.000 Karens convertis au christianisme dans la province reculée de Tak, frontalière de la Birmanie, 400 vont faire neuf heures de voyage en mini-bus pour assister à la messe célébrée par le pape dans le stade de Bangkok.

Dans leur village reculé du nord-ouest du pays, pas de télévision, ni d'internet. Le pape, ils ne l'ont vu que sur de rares photos apportées par les missionnaires. "Ils ne réalisent pas trop. Pour le moment, ils sont seulement inquiets de quitter leur rizière au moment de la récolte. Mais ils seront fiers de pouvoir raconter", souligne Sœur Paif, 26 ans.

Elle marche parfois deux ou trois jours d'affilée pour faire la tournée des villages dont elle a la charge. Certains sont entièrement évangélisés; dans d'autres le christianisme côtoie le bouddhisme, l'animisme, le protestantisme.

Avec les villageois, elle parle de foi, mais aussi "des dépressions fréquentes chez les femmes" depuis que leurs enfants sont partis à la ville pour trouver du travail, du fait que "les Karens sont considérés comme des citoyens de second rang". Car même si le gouvernement thaïlandais a fait construire des dispensaires et des écoles dans les montagnes, ces derniers manquent toujours de personnel qualifié.

Originaires des contreforts de l'Himalaya, ayant fui par la suite la Birmanie, beaucoup sont installés depuis plusieurs générations en Thaïlande et se sont convertis au catholicisme il y a dix, voire cinquante ans.

"Il n'y avait pas de meneur dans les villages, les missionnaires chrétiens ont endossé ce rôle", raconte Sœur Paif.

Aujourd'hui encore la coutume veut que le mari prenne la religion de sa femme et les jeunes époux se font baptiser.

Plusieurs dizaines de milliers d'autres Karens convertis au christianisme et arrivés, pour beaucoup, plus récemment en Thaïlande sont, eux, entassés dans neuf camps de fortune dans le nord du pays.

Le pape avait rencontré en 2017 au Bangladesh des musulmans de la minorité rohingya qui ont fui par centaines de milliers les exactions de l'armée birmane. Cette-fois, il n'est pas prévu de rencontre avec les Karens, réfugiés dans ces camps.

. Collégienne

"Je me sens importante". Nara, 15 ans, élève dans une école catholique de Bangkok, va exécuter lors de la messe au stade Fon Tee, une danse traditionnelle du nord de la Thaïlande avec une ombrelle. 800 jeunes filles, bouddhistes et catholiques, ont été sélectionnées.

Même si cela fait trois générations que sa famille a embrassé le catholicisme, Nara s'est "posée beaucoup de questions quand elle était enfant sur sa différence" en Thaïlande où les quelque 388.000 chrétiens sont ultra-minoritaires.

Aujourd'hui, elle dit parler beaucoup de foi avec ses amies bouddhistes et n'avoir aucun problème pour pratiquer dans un pays "très tolérant" envers les autres cultes.

Depuis octobre, elle répète au moins deux heures par jour pour rendre hommage à "un pape qui vient en Thaïlande pour approfondir encore les liens" entre les religions. Le souverain pontife s'envolera ensuite vers le Japon.

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