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Des opposants à la séparation des familles mexicaines aux USA passent à l'action: une ministre prise à partie dans un restaurant mexicain

"Honte à vous!": des activistes ont interrompu avec fracas ce mardi le dîner de la ministre américaine de la Sécurité intérieure, Kirstjen Nielsen, dans un restaurant mexicain de Washington, pour dénoncer la politique migratoire en vertu de laquelle plus de 2.300 enfants ont été séparés de leurs parents sans-papiers.

Dans une vidéo d'une dizaine de minutes publiée sur les réseaux sociaux par une organisation socialiste, on peut voir plusieurs militants prendre à partie une femme blonde attablée dans un restaurant, la tête baissée dans la pénombre. "Ministre Nielsen (...), comment pouvez-vous prendre plaisir à manger mexicain alors que vous déportez et emprisonnez des dizaines de milliers de personnes venues demander l'asile aux Etats-Unis?", lui lance un homme. "Honte, honte, honte! Honte à vous!", scandent longuement les activistes de Metro DC Democratic Socialists of America.

Dans un communiqué, l'organisation a expliqué qu'elle ne laisserait pas Kirstjen Nielsen "manger en paix alors qu'elle ordonne à ses employés d'arracher des petites filles à leurs mères et des petits garçons en pleurs à leurs pères". "Ces actes barbares doivent cesser et ceux qui sont aux commandes doivent rendre des comptes. Le dîner de la ministre Nielsen a peut-être été gâché, mais ce n'est rien comparé aux horreurs qu'elle a infligées à des familles innocentes", poursuit le texte.


Qui est Kirstjen Nielsen, visage de "la tolérance zéro" de l'Amérique?

Lors d'une conférence de presse organisée précipitamment lundi après-midi à la Maison Blanche, cette élégante femme aux cheveux blonds s'est affirmée comme le visage de la "tolérance zéro" prônée par Donald Trump.

Le gouvernement "appliquera toutes les lois à sa disposition", même si cela signifie écarter des enfants de leurs parents, a martelé Mme Nielsen, sur la défensive.

La responsable âgée de 46 ans est pourtant réputée ne pas être favorable à cette mesure qui a déclenché un tollé national et a même été condamnée par des élus républicains, c'est-à-dire du parti du président. Mais la juriste de profession, qui était inconnue du public jusqu'en janvier 2017, sait aussi offrir des gages de fidélité à M. Trump.

Kirstjen Nielsen l'a fait en reprenant mot pour mot l'argument selon lequel le Congrès devait impérativement agir pour éviter ces séparations parents/enfants, alors que la loi ne l'oblige pas. Elle l'a fait aussi en janvier en témoignant sous serment ne pas avoir entendu le président employer l'expression "pays de merde" en référence à des pays notamment africains, lors d'une réunion où elle était pourtant présente.


Trump doutait d'elle

Les relations entre le milliardaire et sa ministre, une protégée du secrétaire général de la Maison Blanche John Kelly, ont toujours été empruntées de défiance.

Le président avait des doutes sur la capacité de cette femme à tenir les rênes du Department of Homeland Security (DHS), un super-ministère doté d'un budget énorme et de quelque 200.000 employés.

Créé dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001, le DHS chapeaute différentes branches de l'exécutif fédéral, du Secret Service à la police aux frontières, des gardes-côtes à l'agence de réponse aux situations d'urgence.

Ces derniers mois, le président n'a pas caché son irritation face aux arrivées croissantes de clandestins à la frontière méridionale du pays et à l'absence d'avancées sur son projet de mur anti-clandestins. Mme Nielsen s'est retrouvée sur la sellette.

Dans un pays où les responsables politiques adorent s'afficher en famille, Kirstjen Nielsen conserve elle la plus grande discrétion sur sa vie privée.

Lors d'un récent dîner d'Etat à la Maison Blanche, offert en l'honneur du président français Emmanuel Macron, la native du Colorado, qui a grandi en Floride, est arrivée au bras d'un de ses subordonnés.

On sait qu'elle n'est pas mariée et qu'elle a prêté serment devant son père, qui a des racines scandinaves.

Lors de son audition de confirmation au Sénat, Mme Nielsen a pourtant semblé avoir de grosses lacunes sur les pays nordiques, en étant interrogée sur le voeu de Donald Trump d'accueillir davantage de migrants norvégiens.

"La Norvège est un pays majoritairement peuplé de Blancs, n'est-ce pas?", lui a demandé le sénateur démocrate Patrick Leahy. "J'ignore cela, Monsieur", a répondu Mme Nielsen. "Mais j'imagine que c'est le cas".


Désormais en première ligne et sous le feu des critiques

Aujourd'hui, la ministre fait face à une tache rendue encore plus ardue par un contexte émotionnel très fort, avivé par des images d'enfants enfermés derrière les grillages de centres de rétention.

La patronne de la minorité démocrate de la Chambre des représentants Nancy Pelosi a exigé la démission de Mme Nielsen, dans un tweet reposté 36.000 fois. "Elle permet à Trump de garder impitoyablement des enfants vulnérables en otages, de les utiliser en monnaie d'échange. C'est plus que moralement condamnable", a estimé Mme Pelosi.

Les quatre anciennes Premières dames toujours vivantes, et l'actuelle, Melania Trump, se sont elles toutes déclarées choquées que des enfants soient arrachés à leurs parents. Rosalynn Carter, femme de Jimmy Carter, a parlé d'une mesure "déshonorante", faisant "honte à l'Amérique".

"Cette politique de tolérance zéro est cruelle. Elle est immorale. Elle me fend le coeur", a pour sa part écrit Laura Bush, épouse de l'ancien président républicain George W. Bush. Michelle Obama, qui lui a succédé comme Première dame à la Maison Blanche, lui a rendu hommage en la retweetant avec ce commentaire: "Parfois la vérité dépasse les partis". Enfin, Hillary Clinton a affirmé que "déchirer des familles" allait à l'encontre des valeurs des Etats-Unis.


Une politique décriée, même par la Première dame

Kirstjen Nielsen se retrouve en première ligne pour justifier les séparations ultra controversées de clandestins à la frontière.

Prenant sa défense, le président Donald Trump a dit dans un tweet mardi soir qu'elle avait fait "un travail fabuleux" la veille lors de la conférence de presse au cours de laquelle elle s'est affirmée comme le visage de la "tolérance zéro" prônée par son administration.

La séparation des enfants de leurs parents sans-papiers, pour beaucoup fuyant la violence en Amérique centrale, fait scandale jusque dans le camp républicain du président. Et son épouse, Melania Trump, a dit dimanche "détester voir des enfants séparés de leur famille", intervention rarissime de sa part dans un sujet politique brûlant.

Mardi soir, la Première dame a tweeté pour se féliciter de la "visite formidable" du roi et de la reine d'Espagne à la Maison Blanche. "La reine Letizia et moi avons pris un thé et profité de ce temps ensemble pour nous concentrer sur les façons dont nous pouvons avoir un impact positif sur les enfants", a-t-elle écrit.

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