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A Bagdad sous les lacrymogènes, canette-masque à gaz et poubelle-étouffoir

D'un côté du pont al-Joumhouriya de Bagdad, les policiers rechargent leurs lance-grenades lacrymogènes. De l'autre, les manifestants préparent leur propre arsenal: bouteilles de soda, poubelles en plastique et des gants de jardinage.

Sous la pluie de gaz dont l'odeur âcre pique les yeux, le nez, la bouche et fait rapidement tomber en bord de route des manifestants suffocant, ces outils sont devenus leur plus précieuse protection.

Il y a ceux qui chassent les grenades pour les enfermer sous des poubelles en plastique et les empêcher de diffuser leur fumée blanche. Et il y a ceux qui enfilent leurs épais gants de jardinage pour se saisir des grenades métalliques avant qu'elles n'atteignent des manifestants.

- Distribution générale de soda -

Car dans la capitale, plusieurs d'entre eux sont morts entre le pont al-Joumhouriya et la place Tahrir, touchés mortellement par des grenades lacrymogènes et assourdissantes, ces projectiles brûlants qui explosent en vol, leur poids multiplié par leur forte vitesse.

D'autres, agiles, s'emparent des grenades pour les relancer en direction des forces de sécurité. Mais pour s'approcher autant des grenades, il faut avoir le nez et la bouche bien protégés.

Certains ont le visage en partie recouvert par des masques de peintres, généralement utilisés dans le bâtiment pour ne pas respirer les solvants.

D'autres ont fait preuve d'ingéniosité: une coque de plastique bricolée pour se couvrir le nez et en-dessous, recouverte d'un filtre de papier ... une canette de Pepsi!

Son propriétaire, pas peu fier, explique à l'AFP que "maintenant, si on me tire une grenade lacrymogène dessus, je vais un peu larmoyer, mais je ne vais pas suffoquer".

Car les manifestants sont unanimes, le soda américain est la meilleure arme contre le gaz lacrymogène. Ils s'en aspergent tous régulièrement les yeux ou le visage. Ou alors ils ont recours au jus de citron ou au lait, grands classiques des manifestations à travers le monde.

Vendredi, aux abords des manifestations, les journalistes de l'AFP ont vu des voitures arriver jusqu'aux blocs de béton qui bloquaient les accès à la place Tahrir.

- "Maintenant on sait" -

Là, leurs conducteurs déchargeaient des caisses de soda pour approvisionner les protestataires qui continuaient à pied. "Tenez, prenez ça pour nos frères les manifestants", lançaient certains, avant de repartir à l'approche des forces de sécurité.

Depuis jeudi soir, l'Irak en pleine crise sociale et politique, s'enfonce de nouveau dans la violence. Des manifestants ont été tués à Bagdad, la deuxième capitale la plus peuplée du monde arabe, et dans plusieurs provinces du sud de l'Irak.

Entre le 1er et le 6 octobre déjà, 157 personnes avaient été tuées, selon les autorités. Quasiment tous étaient des manifestants, dans leur grande majorité mortellement touchés par des balles à Bagdad.

Pour le retour des manifestations, les forces de sécurité, qui se savent l'objet de tous les regards après le chaos du début du mois, n'ont tiré dans la capitale que des grenades lacrymogènes et assourdissantes.

A l'issue d'une journée passée dans un nuage de fumée blanche et grâce à toutes les protections bricolées et les astuces que se donnent les manifestants entre eux, "maintenant on sait comment réagir au gaz lacrymogène", affirme un jeune Irakien.

"Mais quand ils se mettront à tirer à balles réelles, là on aura vraiment peur".

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