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Des gestes précis, des actions rapides, une maîtrise du stress: le nouvel hôpital civil (NHC) de Strasbourg offre à des infirmières venues d'autres services une formation express à la réanimation pour ne plus être pris au dépourvu par l'afflux de malades du Covid-19 gravement atteints.
"On vous monte Monsieur Muller, 50 ans, positif Covid, en détresse respiratoire", annonce au téléphone le Pr Julie Helms, professeur en réanimation médicale. A l'autre bout du couloir, le docteur Alexandra Monnier et trois jeunes infirmiers s'équipent de lunettes de protection, blouses, charlottes, masques FFP2 et préparent le nécessaire pour donner rapidement de l'oxygène à Monsieur Muller.
Mais Monsieur Muller est un mannequin en plastique. Télécommandé par une formatrice, il geint, tousse, suffoque, répond oui ou non.
Autour de lui, le médecin lui parle comme si elle allait vraiment appeler sa femme pour lui donner des nouvelles et les trois infirmiers préparent à toute vitesse le matériel demandé en surveillant les signes vitaux du faux patient.
"Le but de ces exercices est de voir les erreurs que l'on fait et les pistes d'amélioration", explique Thomas Henninger, 30 ans, infirmier en réanimation depuis septembre, après quatre ans en médecine interne.
"En réanimation, on est avec des patients dans un état critique, on a toujours dans le coin de notre tête que la moindre erreur pourrait être gravissime. Il faut savoir gérer son stress, réagir du tac au tac", renchérit-il.
- Réserve d'infirmières -
Regroupant l'hôpital civil et quatre autres établissements, les Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), où travaillent presque 12.000 personnes, sont encore loin de la saturation vécue lors de la première vague, au printemps. Vendredi, vingt lits de réanimation étaient encore disponibles sur 124. Mais cinquante étaient occupés par des patients Covid, un nombre qui a déjà doublé depuis début novembre.
Pour disposer d'une "réserve" de soignants capables de venir donner un coup de main en réanimation en cas d'afflux important de cas graves de Covid-19, le NHC organise quatre sessions de quatre demi-journées de formation des gestes de base à destination de 60 infirmiers ou infirmières volontaires.
"Lors de la première vague, ils ont été formés sur le tas (...), certains infirmiers ont été traumatisés parce qu'on les a jetés dans un service de réanimation en leur disant +débrouillez-vous+", raconte le Pr Julie Helms.
"Être jeté dedans du soir au lendemain... j'avais peur de mal faire, d'être délétère pour les patients", se souvient Arsène Rabolion, infirmière en soins intensifs en cardiologie.
Son unité s'était transformée en "réanimation Covid" au printemps, mais elle et ses collègues n'avaient reçu qu'une formation rapide dans l'urgence. "On y allait avec une grosse peur au ventre", raconte-t-elle.
D'abord réticente à l'idée de refaire de la réanimation, elle s'est laissée convaincre par une collègue de suivre cette formation qui mêle exercices pratiques et théoriques. Histoire d'être mieux armée face à la deuxième vague.
"Si on ne le fait pas, qui le fera à notre place ? On sera très probablement sollicité, donc on se dit que si on a une formation, on appréhendera moins", escompte-t-elle.
- Donner confiance -
Avant les exercices pratiques autour du mannequin, les quatorze infirmières de la session de vendredi reçoivent explications et consignes sur la manière de bien s'équiper dans un service où chaque geste maladroit ou spontané peut être source de contamination pour le soignant.
Suivent des questions-réponses sur les erreurs à éviter ou les signes cliniques à repérer chez des patients dont l'état peut se dégrader d'une minute à l'autre.
"C'est une formation express, il ne faut pas se faire d'illusions, on n'est pas en train de fabriquer des infirmiers de réanimation avec des formations de deux jours", admet le Pr Helms, alors qu'habituellement, il faut de longs mois d'apprentissage dans le service.
"Par contre on essaie de leur donner confiance, de leur montrer comment ça va se passer, de leur donner quelques bases essentielles", poursuit-elle, tout en reconnaissant que la réanimation est "un service qui fait peur".
Mais "savoir réagir dans le contexte de l'urgence, de façon adaptée, sans paniquer, c'est des choses qui s'apprennent", assure le Pr Helms.