Partager:
La Russie a annoncé lundi l'arrestation d'une femme soupçonnée d'avoir pris part à l'attentat dans lequel a été tué la veille un célèbre blogueur partisan de l'offensive en Ukraine, accusant Kiev et des "agents" de l'opposant emprisonné Alexeï Navalny.
Les enquêteurs ont présenté cette citoyenne russe âgée de 26 ans, Daria Trepova, comme une militante du Fonds de lutte contre la corruption de M. Navalny, interdit en Russie depuis 2021.
Elle est accusée d'avoir apporté une statuette piégée dont l'explosion a provoqué la mort du blogueur Maxime Fomine, connu sous le pseudonyme de Vladlen Tatarskiï, dans un café de Saint-Pétersbourg (nord-ouest).
L'affaire a été qualifiée d'"acte terroriste", "planifié et organisé du territoire ukrainien", a dit le Comité d'enquête, mettant en avant les "opinions d'opposition" au Kremlin de Mme Trepova.
La police a ensuite diffusé une vidéo dans laquelle cette jeune femme admet avoir apporté la statuette piégée, tout en refusant de dire pour l'instant d'où provenait la bombe et ne disant mot de l'organisation d'Alexeï Navalny.
Ce dernier, le principal opposant au Kremlin, emprisonné depuis plus de deux ans, purge une peine de neuf ans de privation de liberté pour escroquerie et fait aussi l'objet de poursuites pour extrémisme.
L'attentat "a été planifié par les services secrets de l'Ukraine qui ont recruté des agents parmi ceux collaborant avec le prétendu Fonds de lutte contre la corruption de Navalny", a assuré le Comité antiterroriste de Russie.
Le porte-parole du président russe Vladimir Poutine a dénoncé "un acte de terrorisme". M. Poutine a lui décoré à titre posthume le blogueur du prestigieux Ordre du courage.
Interrogé sur cette affaire lundi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit ne pas se soucier de ce qu'il se passait en Russie.
- Wagner et "Cyber Front" -
La veille, un responsable de la présidence ukrainienne, Mykhaïlo Podoliak, avait démenti sur Twitter toute implication, estimant qu'il s'agissait de "terrorisme intérieur" dû à des rivalités au sein du régime russe.
Après les accusations portées contre l'organisation de M. Navalny, sa porte-parole, Kira Iarmych, a dénoncé un coup monté du Kremlin.
"Alexeï (Navalny) sera bientôt jugé pour extrémisme, il risque 35 ans. Et le Kremlin s'est dit : c'est super pour la suite de pouvoir y ajouter +terrorisme+", a-t-elle écrit sur Twitter.
Des habitants de Saint-Pétersbourg venus apporter des fleurs sur les lieux de l'attentat mardi ont dit à l'AFP leur "choc".
"C'était l'une des personnes que j'avais l'habitude d'écouter très attentivement. C'est une très grande perte", a déclaré Igor Ivanov, un étudiant de 18 ans.
"Aujourd'hui, on peut s'attendre à un coup dur n'importe où et n'importe quand", a constaté Vladislav Andreïev, logisticien de 27 ans.
Selon l'agence de presse d'Etat TASS, la jeune femme arrêtée lundi était connue de la justice pour avoir été incarcérée pendant dix jours après avoir manifesté contre l'offensive russe.
Dimanche, le blogueur a été tué dans un café de Saint-Pétersbourg où il s'exprimait à l'occasion d'une conférence d'une organisation baptisée "Cyber Z Front" favorable à l'opération des forces russes en Ukraine. Le café appartient au chef du groupe paramilitaire Wagner, Evguéni Prigojine.
Selon un dernier bilan, 32 autres personnes ont été blessées, dont huit sont dans un état grave. La déflagration a été d'une puissance équivalente à 200 grammes de TNT.
L'attentat n'est pas sans rappeler celui dans lequel a péri en août Daria Douguina, une ardente défenseure de l'offensive contre l'Ukraine et fille de l'auteur ultranationaliste Alexandre Douguine. La Russie avait alors accusé Kiev malgré ses démentis.
- Tuer "tout le monde" -
Prenant le contre-pied des autorités, Evguéni Prigojine a semblé exclure que ces assassinats aient été préparés par les services secrets ukrainiens.
"Je n'accuserai pas le régime de Kiev de ces actes. Je pense qu'un groupe de radicaux est en action", a-t-il dit sur la chaîne Telegram de son service de presse.
La veille au soir, il avait rendu hommage au blogueur dans une vidéo apparemment filmée de la ville de Bakhmout, l'épicentre des combats dans l'est de l'Ukraine.
Le blogueur de 40 ans tué dimanche était originaire du Donbass, une région orientale ukrainienne au cœur du conflit. Régulièrement sur le front côté russe, il comptait plus d'un demi-million d'abonnés sur sa chaîne Telegram.
Selon les médias russes, il avait été incarcéré en Ukraine pour un braquage en 2011. En 2014, profitant des affrontements déclenchés dans l'est de l'Ukraine par des séparatistes pilotés par Moscou, il s'est échappé de prison pour rejoindre ces combattants.
En 2019, il a quitté les forces séparatistes, selon le quotidien Kommersant, pour se faire un nom en tant que blogueur.
En septembre, il avait choqué pendant une réception au Kremlin célébrant l'annexion unilatérale de régions ukrainiennes. "On vaincra tout le monde, on tuera tout le monde, on volera tous les gens qu'il faudra, tout sera comme on aime", avait-il lâché face caméra.